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Nouvelles surveillances illégales et menaces à l’encontre des défenseurs des droits humains et de la paix.

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Début mai, la presse colombienne a révélé l'existence de « dossiers secrets » montés en dehors de tout cadre légal par les services du renseignement et de la cyber intelligence militaires, entre février et décembre 2019, à l'encontre de 130 personnes travaillant en lien avec le journalisme d'investigation (y compris pour des médias internationaux), l'opposition politique, l'application de l'accord de paix et la défense des droits humains. Les ONG Commission colombienne de juristes (CCJ) et Collectif d'avocats José Alvear Restrepo (CAJAR), membres de la Coalition colombienne contre la torture avec laquelle l'ACAT est en lien, font partie des cibles parce qu'elles dénoncent des crimes commis par des agents de l'État et d'anciens dirigeants politiques tels que l'ex-président Álvaro Uribe.

 

Des pratiques illicites répétées

Non seulement la collecte illégale de ces données personnelles représente une atteinte grave à la vie privée, mais elle constitue également une menace très sérieuse pour l'exercice des libertés d'association, de réunion et de prendre part à la direction des affaires publiques, garanties par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. De nombreuses actions irrégulières de renseignement ont eu lieu par le passé en Colombie, visant à empêcher d'agir et discréditer des personnes impliquées dans la défense des droits humains, la promotion du débat public et le contrôle des pratiques politiques. Dans certains cas, elles ont abouti à des arrestations arbitraires, voire des tortures. En 2009, le scandale avait éclaté concernant des années d'écoutes et de renseignement illégal par le Département de la sécurité administrative (DAS, dissous en 2011) à l'encontre de journalistes, de défenseurs et d'opposants politiques colombiens mais aussi du Système interaméricain des droits de l'homme, d'institutions de l'Union européenne (UE) et d'ONG de coopération avec la Colombie. L’ « Opération Europe » du DAS, notamment, visait à « neutraliser » le soutien financier et politique aux organisations de défense des droits humains par les institutions européennes ainsi qu’à discréditer le système juridique européen, la Sous-commission des droits de l’homme du Parlement européen et le Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme. Il est préoccupant de constater que des surveillances illégales ont toujours cours en dépit des nombreux rappels à l'ordre de la part des organismes internationaux de protection des droits et de l'adoption d'une loi nationale en 2013 visant à assainir le renseignement.

 

Les défenseurs toujours plus menacés

La révélation de ces nouvelles surveillances illicites intervient dans un contexte d'intensification du conflit armé et de la crise humanitaire et des droits humains sur une large partie du territoire depuis des mois. La Colombie est le premier pays au monde en nombre de défenseurs des droits humains et leaders sociaux assassinés : au moins 107 assassinats en 2019 selon l'ONU, et déjà 19 en 2020, en sachant que des analyses sont en cours concernant 34 autres décès suspects. Les mesures de confinement édictées pour contenir la pandémie de COVID-19 ont conduit à une nouvelle série d'attaques et de meurtres. En effet, les défenseurs, parmi les communautés autochtones notamment, et d'ex-guérilleros démobilisés des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), plus isolés, ont été plus faciles à localiser et exterminer tandis que la communauté nationale et internationale était focalisée sur l'urgence sanitaire. Le gouvernement du président Iván Duque, ouvertement hostile à l'accord de paix, n'a entrepris aucune mesure réelle pour démanteler les groupes armés illégaux et paramilitaires, derrière la majorité de ces attaques. Cet état de faits rend d'autant plus questionnable et inquiétante cette dernière affaire de renseignement illégal militaire.

 

Enquête et vigilance internationales

Ainsi, l'ACAT, aux côtés de 24 autres organisations au sein de la plateforme européenne de plaidoyer pour les droits humains en Colombie, OIDHACO, signe un communiqué dénonçant ces pratiques inadmissibles et demande à l'UE et ses États membres, à la Suisse, à la Norvège ainsi qu'aux Nations Unies de :

  • adopter des déclarations publiques dénonçant les atteintes aux personnes qui remplissent des fonctions légitimes et nécessaires dans une société démocratique ;

  • appuyer la création d'une commission internationale d'enquête sur les pratiques de renseignement illégal en Colombie,avec la participation de l'ONU et/ou du Système interaméricain des droits de l'homme ;

  • intégrer cette problématique au prochain dialogue UE-Colombie sur les droits de l'homme ;

  • exhorter le gouvernement colombien à :

    • faire la lumière sur ces agissements en déterminant toutes les responsabilités, jusqu'au plus haut niveau, toutes les activités illégales opérées ainsi que leurs modes de financement ;

    • écarter de la fonction publique les personnes impliquées et opérer les réformes structurelles qui s'imposent afin de garantir la non-répétition de ces pratiques illégales ;

    • assigner l'affaire à la justice ordinaire, et non militaire, en lui donnant accès à toutes les informations nécessaires ;

    • mettre en place, en les concertant, des mesures de protection pour les victimes et les témoins visés par ce renseignement illégal et les tenir au courant des avancées de l'enquête ;

    • créer une commission au sein de la société civile chargée de suivre le processus de vérification des archives du renseignement militaire ;

    • exiger la collaboration du ministère de la Défense avec la Commission pour l'éclaircissement de la vérité (CEV) en lui donnant accès aux informations sur tous les cas préalables de ce type afin de garantir le droit à la vérité et le bon fonctionnement des mécanismes de justice transitionnelle prévus par l'accord de paix de 2016.

 

Communiqué :

en espagnol

en anglais

 

 

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