• Communiqué

L’Égypte après le massacre de Rabaa : dix ans de répression, de punition collective et d’impunité.

  • Détention arbitraire
  • Disparitions forcées
  • Justice et impunité
  • Peine de mort
  • Torture

En commémoration du 10ème anniversaire du massacre de Rabaa, XX organisations déclarent que le 14 août 2013, sous les ordres directs de l'actuel président égyptien – alors ministre de la Défense –, le maréchal Abdel Fatah El-Sisi, du Premier ministre Hazem El-Beblawi et du président par intérim Adli Mansoor, les forces de sécurité égyptiennes et les officiers militaires ont tué plus de 1 000 personnes qui s'opposaient au renversement de l'ancien président Mohammad Morsi lors de la dispersion des sit-in de Rabaa et de Nahda. Depuis ce jour, aucun responsable politique ou militaire n'a été tenu pour responsable du plus grand massacre perpétré par des agents de sécurité dans l'histoire du pays. Les organisations soussignées réitèrent leur demande d'ouverture d'une enquête sur les auteurs du massacre. Elles demandent enfin qu’ils soient tenus légalement responsables de leurs crimes.

Les massacres aveugles et massifs perpétrés entre juillet et août 2013 par les forces de sécurité et les militaires ont atteint leur paroxysme avec les massacres de Rabaa et de Nahda, qui ont entraîné la mort de centaines de manifestants parmi lesquels des femmes et des enfants. Ces massacres ont ouvert une période de répression parmi les plus sombres de l'histoire du pays. Dix ans plus tard, l'Égypte ne s'en est toujours pas remise. L'appareil de sécurité continue de surveiller et de réprimer les Égyptiens en toute impunité. L'accès à la démocratie participative est limité, voire impossible. L'opposition politique et les intellectuels sont constamment menacés de détention arbitraire, de disparition forcée, de torture, voire d'exécutions extrajudiciaires. Les signataires exigent la fin de toutes les violations des droits humains en cours et le lancement d'un processus de réparation pour les victimes et leurs familles.

Le 3 juillet 2013, à la suite de manifestations populaires réclamant des élections anticipées, l'armée a renversé Mohammad Morsi, premier président civil élu et chef de file des Frères musulmans. En réaction, des dizaines de milliers de partisans de Mohammad Morsi ont organisé des sit-in à grande échelle au Caire ainsi que des manifestations dans tout le pays.

Dans les semaines et les mois qui ont suivi, le gouvernement égyptien a écrasé les manifestations et les sit-in en tirant de manière indiscriminée sur les manifestants pacifiques et en plaçant en détention des dizaines de milliers de personnes et leurs familles. Les détenus ont été soumis à des procès de masse, en dehors de toute procédure régulière, privés des principes juridiques de base. Ces procès ont abouti à des condamnations à mort massives et à de longues périodes d'emprisonnement.

Progressivement, les violations se sont étendues à des citoyens issus de tous les horizons politiques, religieux et sociaux. Le gouvernement égyptien a désigné des milliers de citoyens comme « terroristes » et émis des interdictions, formelles ou informelles, de voyager sous des prétextes fallacieux. Des centaines de personnes ont été jugées par des tribunaux militaires et des tribunaux d'exception spécialisés qui leur ont refusé l'accès aux juridictions de cassation. Les autorités ont également violé de façon systématique leurs engagements constitutionnels, les lois sur la détention provisoire et les règlements des prisons. Des milliers de détenus ont été maintenus en détention provisoire, dépassant la période légale de deux ans. Les autorités ont poursuivi les personnes libérées dans de nouvelles affaires avec les mêmes chefs d’accusation, afin de prolonger leur détention dans des prisons où les détenus sont privés de visites, sans réponse à leurs besoins de base, tels que des médicaments, de la nourriture, des articles de toilette ou des livres.

Au cours des dix dernières années, les organisations égyptiennes de défense des droits humains ont recensé pas moins de 4 000 victimes de disparition forcée, 1 251 personnes mortes en raison d’une « négligence médicale », 655 personnes victimes d’agressions sexuelles et 750 personnes tuées dans le cadre d’exécutions extrajudiciaires.

Depuis le massacre de Rabaa, le gouvernement a utilisé les différents organes de l’État, y compris le pouvoir judiciaire, le ministère de l'intérieur et l'armée, diverses institutions publiques, des universités et des écoles, en vue de surveiller et punir les opposants politiques. Depuis le massacre, personne n'est à l'abri de la violence de l'État. Des citoyens ont été détenus arbitrairement, des familles de dissidents ont été prises en otage, des prisonniers ont été torturés, des citoyens du Sinaï ont été déplacés de leur domicile pour des « raisons de sécurité », des chrétiens coptes ont été détenus pour appartenance à des organisations terroristes, des personnes ont disparu à cause de leurs écrits sur les réseaux sociaux, des sites internet d'agences de presse et d'organisations de défense des droits humains ont été bloqués, des librairies et des presses ont été fermées au prétexte de sécurité nationale, les journalistes ont été pris pour cible pour avoir fait leur travail, des jeunes femmes ont été arrêtées pour avoir « violé les valeurs familiales », les intellectuels et les universitaires sont persécutés, soumis à des procès militaires et risquent d'être tués pour leurs recherches, les membres de la communauté LGBTQIA+ sont torturés dans les commissariats de police. Dans l'après-Rabaa égyptien, les auteurs de ces actes ne sont pas tenus de rendre des comptes.
Les initiatives récemment annoncées par le gouvernement égyptien – telles que la déclaration d'une stratégie nationale des droits humains, la mise en place d'un comité de grâce présidentielle pour les détenus ou le lancement d'un dialogue national impliquant divers acteurs politiques et sociaux – ne proposent que des réformes de surface, et n'ont pas eu de véritable succès social ou politique pour le public égyptien. Officiellement, le nombre de grâces présidentielles enregistrées entre avril 2022 et mai 2023 comprend 1 400 noms. Toutefois, les organisations de défense des droits humains ont constaté qu'au cours de cette période, 3 700 personnes supplémentaires ont été détenues arbitrairement. Il n'y a aucune réelle volonté politique de la part du gouvernement de répondre sérieusement aux préoccupations en matière de droits humains.

Pour l'avenir de l'Égypte, la voie à suivre tient, de la part du gouvernement, dans la libération de tous les prisonniers politiques, l'indemnisation des victimes et la reconnaissance de sa complicité dans le massacre. Il est essentiel de demander des comptes aux auteurs du massacre afin de surmonter les épreuves qu’ont constitué les effusions de sang et les attaques subséquentes contre la démocratie participative, la citoyenneté, la société civile et, de manière générale, les libertés en Égypte.


Signataires :

  1. ACAT-France

  2. Association for Freedom of Thought and Expression (AFTE)

  3. CAFAGB

  4. Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS)

  5. Citizens International

  6. Committee for Justice

  7. DIGNITY – Danish Institute against Torture

  8. Egyptian Commission for Rights and Freedoms (ECRF)

  9. Egyptian Coordination of Rights and Freedoms

  10. Egyptian Front for Human Rights (EFHR)

  11. Egyptian Human Rights Forum (EHRF)

  12. Egyptian Initiative for Personal Rights (EIPR)

  13. EgyptWide for Human Rights

  14. El Nadim Center

  15. El Shehab for Human Rights -SHR – LONDON

  16. EuroMed Rights

  17. HuMENA for Human Rights and Civic Engagement

  18. International Service for Human Rights (ISHR)

  19. Najda for Human Rights

  20. Project on Middle East Democracy (POMED)

  21. Refugees Platform in Egypt (RPE)

  22. Sinai Foundation for Human Rights 

  23. Stop Enforced Disappearance Campaign

  24. Syrian Network for Human Rights (SNHR)

  25. The Freedom Initiative 

  26. Till The Last Prisoner 

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