Protection temporaire pour l’Ukraine : encore des efforts pour être à la hauteur des enjeux
Télécharger le communiqué de presse.
Les ministres de l’Intérieur, de la Santé, du Logement et de la Citoyenneté ont diffusé une instruction conjointe en date du 10 mars 2022 sur l’application de la protection temporaire pour les personnes en provenance d’Ukraine. Plus de trois millions de personnes ont fui l’invasion du pays par l’armée russe. Les pays d’Europe centrale et orientale en accueillent le plus grand nombre. Parce que la France a une tradition d’asile et parce qu’elle préside le conseil de l’Union européenne pour six mois, elle doit être exemplaire dans la réponse à celles et ceux qui fuient la guerre et les persécutions.
Concernant la protection temporaire, la Coordination française pour le droit d’asile (CFDA) qui avait demandé à plusieurs reprises son application pour les personnes fuyant la guerre civile en Irak, en Libye ou en Syrie, salue son activation pour la première fois en vingt-et-un ans, pour les ressortissant·e·s ukrainien·ne·s et les réfugié·e·s qui résidaient en Ukraine avant le 24 février 2022.
Cependant, les personnes qui ont demandé asile en Ukraine sont exclues de son bénéfice et invitées à solliciter l’asile dans le premier pays européen où leurs empreintes sont relevées, en raison de l’application du règlement Dublin. Quant aux résident·e·s étranger·e·s en Ukraine, la décision du Conseil de l’Union européenne du 4 mars 2022 conditionne l’application de la protection temporaire à l’impossibilité de « retour dans des conditions sûres et durables » dans le pays d’origine. Cette notion, qui n’a pas été clairement définie, est laissée à l’appréciation au cas par cas des préfectures, ce qui fait craindre un traitement inégalitaire des situations d’un département à l’autre. Pour la CFDA, cette notion ne doit pas être restreinte aux seuls risques pour la vie et pour la liberté mais tenir compte de la possibilité ou non de mener une « existence normale », notamment celle possibilité de travailler ou d’étudier[1].
La CFDA demande que la protection temporaire soit étendue à tous les ressortissant·e·s non ukrainien·ne·s qui résidaient en Ukraine et qui ont dû fuir le pays, notamment les personnes qui y ont demandé asile ou y étudiaient, comme le permet la directive européenne sur la protection temporaire.
Concernant l’accueil et l’hébergement, la CFDA salue la mobilisation citoyenne exceptionnelle pour les réfugié·e·s en provenance d’Ukraine et les propositions d’hébergement citoyen. Ce dernier doit être structuré et accompagné et ne peut constituer une réponse pérenne. Les pouvoirs publics doivent organiser un dispositif d’accueil à la hauteur, avec la création massive de places d’hébergement ou de logement, en concertation avec l’ensemble de la société civile mobilisée. Les acteurs institutionnels et associatifs doivent être renforcés pour être en mesure de proposer un accompagnement global, dans la durée, afin d’assurer l’autonomie et l’insertion sociale et linguistique des personnes, ainsi qu’un suivi médical et psychologique. Un pilotage interministériel est nécessaire pour répondre aux besoins globaux des réfugié·e·s.
Concernant l’accès au marché du travail, la CFDA demande une simplification de la procédure pour garantir le droit effectif et rapide au travail.
Concernant les demandes d’asile ou de réexamen des personnes ukrainiennes ou opposantes russes ou biélorusses, déjà présentes en France ou qui viennent d’arriver, elles doivent être enregistrées et examinées dans les meilleurs délais. Les examens des dossiers ne doivent pas être gelés, comme cela semble être le cas à la Cour nationale du droit d’asile. Dans tous les cas, les personnes doivent bénéficier des conditions matérielles d’accueil pour subvenir à leurs besoins.
Concernant les opposants et opposantes à la guerre en Russie, la France doit protéger les personnes qui cherchent en ce moment à fuir la Russie par crainte de persécutions en raison de leur objection de conscience à la guerre d’invasion, notamment en leur délivrant des visas au titre de l’asile dans les consulats français de Russie ou des pays limitrophes.
Pour les personnes ukrainiennes en transit vers le Royaume-Uni, les autorités françaises doivent intervenir auprès du Gouvernement britannique pour qu’elles puissent rejoindre ce pays sans être soumises à un visa.
La solidarité vis-à-vis des personnes qui fuient l’Ukraine doit inspirer la politique publique en matière d’asile. Elle ne doit pas se faire au détriment des demandeurs d’asile et réfugiés d’autres nationalités, en particulier en ce qui concerne l’accès à l’hébergement, les délais d’instruction des dossiers ou l’accès aux droits comme les conditions matérielles d’accueil ou l’assurance maladie.
La Coordination française pour le droit d’asile rassemble les organisations suivantes :
Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat) ; Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE) ; Amnesty International - Section Française ; Association pour la Reconnaissance des Droits des personnes Homosexuelles et trans à ; l’Immigration et au Séjour (Ardhis) ; Association d’avocats liés au Conseil Européen pour les Réfugiés et Exilés (Elena-France) ; La Cimade (Service œcuménique d’entraide) ; Comité pour la santé des exilés (Comede) ; Dom Asile ; Fédération des Associations de Solidarité avec Tou-te-s les Immigré-e-s (Fasti) ; Groupe accueil et solidarité (Gas) ; Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s (Gisti) ; Jesuite Refugee Service (JRS-France) ; Ligue des droits de l’Homme (LDH) ; Médecins du Monde ; Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap) ; Centre Primo Levi (Centre de soins et soutien aux personnes victimes de la torture et des violences politiques) ; Secours Catholique (Caritas France)
Sont également signataires :
- Association d'Accueil des Demandeurs d'Asile (AADA)
- Comité meusien d’accueil des demandeurs d’asile (COMADA)
- Fédération des acteurs de la solidarité
- Fédération de l’entraide protestante
- Forum-réfugiés-Cosi
- France terre d’asile
- Français langue d’accueil
[1] Voir décision du Conseil constitutionnel n° 2003-485 DC du 4 décembre 2003, §17.