Il avait participé aux manifestations pacifiques qui ont éclaté dès mars 2022 dans la ville de Colombo, la capitale du Sri Lanka, en réaction à la crise économique majeure que traverse le pays. Les forces de l’ordre avaient durement réprimé ces mouvements et arrêté de nombreux manifestants, faisant usage de la loi de prévention contre le terrorisme (Prevention of Terrorism Act ou PTA) comme outil de répression généralisée
« C’est une loi draconienne, rédigée dans des termes vagues, susceptibles d’interprétations larges. Un large éventail d’infractions de droit commun est concerné, hors de tout caractère terroriste, et tout individu peut tomber sous le coup de cette loi. Ont ainsi été ciblés des communautés minoritaires, des groupes contestataires de la société civile, ainsi que des journalistes d’opposition. Elle permet également la détention jusqu’à un an sans procès, augmente les pouvoirs de la police et ceux du procureur. »
– Diane Fogelman, responsable Programmes et plaidoyer Asie de l’ACAT-France.
C’est dans ce contexte que Wasantha Mudalige a été arrêté, de manière arbitraire, avec d’autres étudiants. Il était toutefois le dernier manifestant à être encore détenu sous l’application de cette loi, alors qu’il n’existait aucune preuve de son implication dans des actes terroristes.
De nombreux empêchements procéduraux à la tenue de son procès
Au cours de ses 167 jours de détention, Wasantha Mudalige a d’abord été détenu durant trois mois à l’isolement, privé d’accès à l’eau, à l’hygiène et à la lumière du jour, soit en violation des standards internationaux sur les conditions de détention. En décembre 2022, il a rencontré des difficultés de respiration nécessitant un suivi à l’hôpital, qu’il ne semble pas avoir obtenu à ce jour. Sa famille et son avocat avaient exprimé leur préoccupation sur son état de santé.
Wasanta Mudalige a été présenté devant un magistrat à deux reprises : le 14 décembre 2022, en vue de son procès, et le 5 janvier 2023, date à laquelle il a été informé de nouvelles accusations portées à son encontre, lesquelles demeurent inconnues. Selon une activiste proche de Wasantha Mudalige avec qui l’ACAT-France a pu s’entretenir, le 17 janvier 2023, date de son audience, le procureur général a usé de manœuvres d’intimidation devant le tribunal afin d’obtenir la récusation d’une magistrate chargée de le juger. Finalement, en dépit du caractère inhabituel de ces méthodes de récusation, un autre tribunal a été désigné et le procès a été reporté au 31 janvier 2023.
Une décision historique pour le Sri Lanka
Wasantha Mudalige a finalement été jugé devant le tribunal d’instance de Colombo le 31 janvier 2023, qui a statué sur l’abandon des charges retenues contre lui au titre de la loi PTA. Il ne pouvait en être autrement, car le procureur général ne disposait d’aucune preuve permettant de le condamner. C’est une décision symbolique et historique pour toutes les victimes de cette loi – particulièrement appliquée durant le conflit sri-lankais – qui n’ont pas pu obtenir leur libération à l’époque. Elle créé un précédent pour tous ceux qui ont été les victimes de ce cadre juridique ou qui pourraient l'être, qu'ils puissent demander réparation ou obtenir leur libération.
L’ACAT-France a appris par le biais d’une activiste proche de Wasantha Mudalige qu’il était en bonne santé et condition physique, ce qui est une bonne nouvelle. Il reste toutefois placé sous liberté conditionnelle : la victoire n’est pas totale. Les autorités sri-lankaises pourraient le cibler de nouveau. Par ailleurs, l’ACAT-France poursuit sa mobilisation pour que la loi PTA soit abrogée, conformément aux nombreux appels de la communauté internationale en ce sens.
Pour aller plus loin :
> « Plus de cinq mois de détention arbitraire pour Wasantha Mudalige », appel à mobilisation du 18 janvier 2023.