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Vietnam
Appel urgent

Trois journalistes indépendants condamnés à un total de 37 ans de prison

Au cours d’un procès expédié en une demi-journée, trois membres de l’Association des journalistes indépendants du Vietnam (IJAVN) ont été condamnés à des peines allant de 11 à 15 ans de prison.
procès-IJAVN
Au premier rang, Nguyen Tuong Thuy (gauche) et Pham Chi Dung (droite) sur le banc des accusés. Le Huu Minh Tuan apparaît au deuxième rang, derrière un policier. Capture d'écran d'un reportage publié par le média d’État VTC Now sur Youtube.
Le 27 / 01 / 2021

Une nouvelle année s’est ouverte au Vietnam sous le signe de la répression.

Le 5 janvier, le tribunal populaire de Ho Chi Minh City a déclaré Pham Chi Dung, Nguyen Tuong Thuy et Le Huu Minh Tuan coupables de “propagande anti-Etat” au motif de l’article 117 du Code pénal vietnamien. A la fin d’une audience ayant duré moins de quatre heures, Pham Chi Dung, co-fondateur et président de l’IJAVN, a été condamné à 15 ans d’emprisonnement, tandis que Nguyen Tuong Thuy et Le Huu Minh Tuan ont été condamnés à des peines de 11 ans de réclusion chacun. Tous devront également effectuer trois ans de résidence surveillée à la fin de leur peine.

Les trois journalistes, arrêtés entre novembre 2019 et juin 2020, avaient été détenus dans des conditions déplorables et maintenus au secret pendant plusieurs mois. Ils n’ont pas eu le droit de rencontrer leur avocat avant le mois de novembre 2020.

L’Association des journalistes indépendants du Vietnam est une organisation de la société civile créée en 2014, qui promeut le droit à la liberté d’expression, la liberté de la presse et la liberté d’association. Elle est à l’origine du site d’informations indépendant Vietnam Thoi Bao. L’association, qui n’est pas officiellement reconnue par le Parti communiste vietnamien, opère en ligne.

Phạm Chí Dũng, 55 ans, est le fondateur de l’Association des Journalistes Indépendants du Vietnam et en a été le président jusqu’à son arrestation le 21 novembre 2019. M. Pham a été accusé d’avoir violé l’article 117 du Code pénal de 2015 (fabrication, stockage et diffusion d’informations et de matériel anti-étatiques), une accusation souvent utilisée pour étouffer les voix dissidentes. Juste avant d’être arrêté, il s’était exprimé en défaveur de la ratification de l’accord de libre-échange UE-Vietnam (EVFTA) en raison du piètre bilan de son pays en matière de droits humains. Pham Chi Dung avait précédemment été détenu six mois en 2012 pour des accusations similaires et était depuis fréquemment harcelé par les autorités. Avant le procès, il a déclaré :

Une lourde sentence pour des journalistes indépendants comme nous montrerait au monde ce à quoi ressemble la “liberté de la presse” au Vietnam.

Nguyễn Tường Thụy, 69 ans, est vice-président de l’IJAVN et membre de la Fraternité pour la démocratie (Brotherhood For Democracy), une organisation de la société civile indépendante qui utilise Internet pour promouvoir les droits humains et dont plusieurs membres sont actuellement emprisonnés. Pour ses activités, il subit depuis des années le harcèlement de la police. M. Nguyen a été arrêté le 23 mai 2020 à son domicile à Hanoï. Selon son épouse, il souffrirait de douleurs au dos et à la main gauche à cause des conditions dans lesquelles il est détenu depuis huit mois, et aurait également contracté la gale. En amont du procès, il a déclaré :

Mes articles ne représentent que mes aspirations pour notre peuple et notre pays. A l’avenir, des articles comme les miens seront considérés comme parfaitement normaux.

Lê Hữu Minh Tuấn, 32 ans, est considéré comme un représentant de la jeune garde des journalistes indépendants du pays. Étudiant en droit, il est membre de l'IJAVN depuis 2015, et couvre dans ses articles la vie politique vietnamienne, avec un éclairage plus spécifique sur les efforts de démocratisation portés par la société civile. Il a été arrêté le 12 juin 2020, après plusieurs mois de menaces et d'intimidations de la part du bureau de la sécurité publique, le renseignement intérieur vietnamien.

 

Vous souhaitez soutenir Pham Chi Dung, Nguyen Tuong Thuy et Le Huu Minh Tuan ?

- Téléchargez la lettre, personnalisez-la avec vos coordonnées et adressez-la à la Mission permanente de la République socialiste du Vietnam auprès des Nations Unies à Genève par courriel ou par voie postale. Vous pouvez également adresser une copie de votre lettre à l'ambassade du Vietnam en France.

- Tweetez, postez sur Facebook, faites-le savoir autour de vous !

 

CONTEXTE

Une presse indépendante muselée

L’article 117 du Code pénal vietnamien, utilisé pour condamner les trois journalistes, entre directement en contradiction avec l'article 25 de Constitution de la République socialiste du Vietnam qui prétend garantir la liberté de la presse. Dans ce pays où les médias sont entièrement aux ordres du Parti communiste, les blogueurs et les journalistes indépendants sont les seules sources d’information indépendante et font pour cela face à une répression toujours plus féroce. La justice punit ainsi de lourdes peines d'emprisonnement celles et ceux qui seraient désignés coupables d’avoir mené des “activités visant à renverser le pouvoir du peuple", de "propagande anti-étatique" ou d’avoir "abusé de leurs libertés démocratiques". Le Vietnam stagne dans les abîmes du Classement mondial de la liberté de la presse établi par l’ONG Reporters sans frontières en 2020, à la 175e place sur 180 pays.

Une répression qui n’a pas faibli en 2020

Si le Vietnam a pu faire la Une en 2020 grâce à une gestion relativement efficace de la pandémie du COVID-19 sur son territoire, cela n’a pas empêché la répression à l’égard des voix indépendantes de se poursuivre, au contraire. En mai 2020, trois blogueurs de renom ont été arrêtés. En juin, plusieurs militants des droits fonciers ayant dénoncé les violences policières à Dong Tam ont également été placés en détention et attendent leur procès. En octobre 2020, c’est au tour de la journaliste et défenseure des droits Pham Doan Trang d’être arrêtée pour ses écrits en ligne. Elle risque jusqu’à 20 ans de prison.

Le traité libre-échange UE-Vietnam : un blanc-seing pour Hanoï ?

L’accord de libre-échange contre lequel s’était exprimé Pham Chi Dung avant son arrestation, a été ratifié par le Parlement européen le 12 février 2020, malgré les efforts de la société civile, dont l’ACAT, pour faire reporter le vote. Le texte, qui devait offrir selon son rapporteur une "occasion unique" de relever "les normes en matière de droits de l'homme", ne contenait quasiment aucun engagement concret sur les droits humains de la part des autorités vietnamiennes, hormis quelques maigres lignes écrites sur le travail forcé et le travail des enfants dans le chapitre sur le développement durable. Aucun calendrier ni sanctions n’avaient été prévus en cas de non-respect de ces engagements. Or, le Vietnam a réaffirmé en 2020 sa détermination à poursuivre sa politique de répression des voix indépendantes. En réponse, le Parlement européen vient de voter une résolution d’urgence le 21 janvier 2021 appelant à la libération de Pham Chi Dung, Nguyen Tuong Thuy et Le Huu Minh Tuan. Certains eurodéputés sensibles à la question des droits au Vietnam appellent quant à eux à suspendre l’accord de libre-échange. L’ACAT reste vigilante sur le sujet.

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