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Détention arbitraire d’un blogueur camerounais.

  • Détention

Paul Chouta, blogueur camerounais, est en prison depuis le 28 mai 2019 dans une affaire de « diffamation et de propagation de fausses nouvelles ».Cela fait maintenant près de deux ans que Paul Chouta est maintenu en détention provisoire dans la prison surpeuplée de Kondengui à Yaoundé. Son procès, en cours, est régulièrement ajourné. Les autorités lui refusent toute liberté provisoire de manière arbitraire.

Le 28 mai 2019, aux environs de 20h00, Paul Chouta – gestionnaire de la plateforme digitale « Le TGV de l’info » sur Facebook et reporter pour CameroonWeb (site d’informations privé le plus visité du Cameroun) – est arrêté, sans mandat[1], par cinq agents de la police judiciaire, en civil, à Yaoundé, à la suite d’une plainte pour « diffamation » déposée par l’écrivaine franco-camerounaise Calixthe Beyala. Il est placé en garde à vue à la Direction générale de la police (DGP) puis transféré au Secrétariat d’État à la défense (SED). Alors que le délai maximum de la garde à vue au Cameroun est de 96 heures[2], Paul Chouta est maintenu treize jours en garde à vue, avec très peu de visites autorisées.

Le 10 juin 2019, il est officiellement accusé de « diffamation, de propagation de fausses nouvelles et de discours de haine ». Le lendemain, le chef d’accusation de « discours de haine » est abandonné. Il est transféré, le jour même, à la prison de Kondengui à Yaoundé dans l’attente de son procès.

Paul Chouta est accusé d’avoir diffusé sur les réseaux sociaux une vidéo de l’écrivaine Calixte Beyala en pleine altercation avec un homme. Calixthe Beyala affirme que Paul Chouta et d’autres individus, non identifiés, ont tenu des propos diffamatoires sur sa vie personnelle sur les réseaux sociaux et sur la page d’informations de « Le TGV de l’info » que gère Paul Chouta. Sur les sept personnes impliquées dans la diffusion de cette vidéo sur les réseaux sociaux, seul Paul Chouta est en détention.

Jusqu’à aujourd’hui, le procès de Paul Chouta a été ajourné plus de 20 fois – pour diverses raisons, y compris le défaut de la plaignante de comparaître devant le tribunal – prolongeant sa détention indéfiniment. En janvier 2021, l’affaire a été retardée de près d’un mois pour la production d’un rapport sur l’admissibilité des éléments de preuve. Lorsque le procès a repris début février, l'audience a de nouveau été interrompue en raison d'un différend sur l'admissibilité d'une question.

S’il est reconnu coupable par la justice camerounaise, Paul Chouta risque jusqu’à six mois de prison maximum et une amende de 2 millions de francs CFA (3 447 dollars US) pour « diffamation », et jusqu’à cinq ans de prison et une amende de 1 million de francs CFA (1 723 dollars US) pour « propagation de fausses nouvelles », conformément au Code pénal du Cameroun.

Sa détention préventive est une sanction complètement disproportionnée par rapport aux faits dont il est accusé. Son maintien en détention s’apparente à une forme de représailles des autorités camerounaises à l’égard d’un journaliste très suivi au Cameroun et par la diaspora mais aussi très critique vis-à-vis du pouvoir en place.

Plutôt que de prolonger sa détention arbitraire, la justice camerounaise devrait mettre fin à son harcèlement judiciaire en rejetant les charges retenues contre lui et libérer Paul Chouta. L’ACAT-France le considère comme un prisonnier d’opinion.

 

Vous souhaitez vous mobiliser pour demander la libération de Paul chouta :

– Téléchargez la lettre, personnalisez-la avec vos coordonnées et adressez-la au Président de la République du Cameroun par voie postale ou directement sur le site de la Présidence de la République. Vous pouvez également adresser une copie de votre lettre à l'ambassade du Cameroun en France

– Tweetez, notamment le compte du Président @PR_Paul_BIYA, postez sur Facebook, faites-le savoir autour de vous !

 

CONTEXTE

 

Un blogueur proche de l’opposition camerounaise

Avant son arrestation, Paul Chouta a régulièrement fait l’objet de menaces anonymes et de commentaires haineux sur les réseaux sociaux du fait de ses reportages critiques vis-à-vis du régime en place et de son président Paul Biya. En marge de l’élection présidentielle d’octobre 2018, à laquelle il a apporté son soutien au Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), principal parti d’opposition, Paul Chouta a été obligé de déménager pour des raisons de sécurité. Le 31 janvier 2019, Paul Chouta a été violemment agressé devant son domicile[1]. Vers 6 heures du matin, trois inconnus l’ont poignardé avec un couteau et l'ont frappé. Des voisins sont venus à son secours, forçant les assaillants à s’enfuir. Le journaliste a été soigné à l’hôpital pour des blessures à la tête, aux mains et aux pieds[2].

 

Un blogueur suivi par de nombreux Camerounais

Comme l’indique International Crisis Group (ICG) « L’utilisation des réseaux sociaux a explosé au cours des dernières années au Cameroun. Blogueurs, activistes et chaînes de télévision privées actifs sur les réseaux sociaux ont pris des parts d’audience aux médias d’Etat »[3]. Paul Chouta est l’un des trois principaux blogueurs politiques camerounais sur Facebook avec une page personnelle avoisinant les 60 000 abonnés, et la gestion de la page « Le TGV de l’info » qui compte plus de 189 000 abonnés. Paul Chouta alimente des débats sur des questions controversées et diffuse des informations que les médias d’Etat préfèrent ignorer. Comme l’indique ICG dans son rapport, Paul Chouta ne se livre à aucun propos haineux. Il est considéré comme un activiste proche du MRC.

 

Saisine du Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire

En novembre 2020, le cabinet d’avocats américain Debevoise & Plimpton et la Fondation Clooney pour la Justice (Clooney Foundation for Justice, CFJ) ont saisi le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire[4]. La communication du cabinet d’avocats fait valoir que la détention provisoire prolongée de Paul Chouta est arbitraire au regard du droit international relatifs aux droits humains parce que :

1) le recours à la détention provisoire de Paul Chouta est disproportionné ;

2) sa privation de liberté viole son droit à la liberté d'expression ;

3) les normes de procédure régissant la détention provisoire et le droit à un procès équitable n'ont pas été respectées dans son cas.

Le cabinet d’avocats demande que les charges retenues contre Paul Chouta soient abandonnées.

Le 1er mars 2021, CFJ et le cabinet d’avocats Debevoise & Plimpton LLP ont publiquement condamné les retards persistants dans la procédure judiciaire intentée contre Paul Chouta[5].

 


[1] L’Article 122 (1) a) du code de procédure pénale stipule que : « Le suspect doit être immédiatement informé des faits qui lui sont reprochés. Il doit être traité matériellement et moralement avec humanité »

[2] L'article 119 (2) de la Loi N° 2005/007 du 27 juillet 2005 portant Code de Procédure Pénale dispose que : « Le délai de la garde à vue ne peut excéder 48h renouvelable une fois. Sur autorisation écrite du procureur de la République, ce délai peut à titre exceptionnel être renouvelé deux fois et chaque prorogation doit être motivée »

 

 

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