Mohamed el-Baker arbitrairement détenu depuis deux ans !
Arrêté le 29 septembre 2019, Mohamed el-Baker, un avocat et défenseur des droits humains égyptien, est arbitrairement détenu depuis deux ans dans des conditions difficiles.
Alors que l’Egypte connaît une vague d’arrestations sans précédent sous la présidence al-Sissi fin septembre 2019, Mohamed el-Baker est arrêté le dimanche 29 septembre, alors qu’il exerçait sa fonction d’avocat en assistant Alaa Abdel Fattah lors d’une audition dans les locaux du service du procureur de la sûreté de l’État. Alaa Abdel Fattah, activiste renommé et icône de la révolution de 2011, a lui-même été arrêté plus tôt dans la matinée.
Comme Alaa, Mohamed el-Baker est placé en détention provisoire et poursuivi pour participation à un groupe terroriste, financement d’un groupe terroriste, et diffusion de fausses informations qui menacent la sécurité nationale. Durant ces deux dernières années, il n’a été interrogé que deux fois : le jour de son arrestation et en août 2021. Il a également été ajouté, avec d’autres défenseurs et journalistes, à une seconde affaire le 30 août 2020. Cette pratique est utilisée pour maintenir les personnes poursuivies au-delà de la durée légale de deux ans de détention provisoire, en portant contre elles de nouvelles accusations infondées, pour faire courir à nouveau le délai de deux ans de détention provisoire.
Le 23 novembre 2020, il découvre dans le journal officiel que son nom, comme celui de 27 autres personnalités, a également été ajouté à la « liste des terroristes » à la suite d’une décision d’un tribunal dans une troisième affaire dont il n’avait même pas connaissance jusqu’alors. Cette décision a pour conséquences de geler ses biens et avoirs financiers pour une durée de trois ans, de lui interdire pendant cinq ans de voyager à l'étranger ainsi que d'assumer une fonction publique ou officielle, comme celle d’exercer la fonction d’avocat, dans le cas où il serait libéré prochainement. Un recours devant la Cour de cassation est prévu pour le 28 novembre 2021.
Pendant un an et demi, Mohamed el-Baker et Alaa Abdel Fattah sont détenus ensemble dans une cellule petite et mal ventilée de la tristement célèbre prison Tora au Caire, dans le secteur 2 de haute sécurité. Ses conditions de détention difficiles sont en violation flagrante des standards internationaux, puisqu’il ne lui est pas permis de sortir de sa cellule en dehors des visites qu’il reçoit. Il n’a pas le droit d’avoir de livres ou de journaux, ni d’écouter la radio. De plus, il doit se contenter de cartons comme matelas de fortune.
En raison de ces dures conditions de détention, sa famille s’inquiète pour son état psychologique, non sans raison. Depuis six mois environ, il est détenu avec d’autres prisonniers, dont l’activiste connu sous le nom de Mohamed Oxygen qui a fait une tentative de suicide en juillet dernier. Lors du renouvellement de sa détention préventive le 13 septembre dernier, l’ancien codétenu de Mohamed el-Baker, Alaa Abdel Fattah a exprimé des pensées suicidaires.
Mohamed El-Baker est le fondateur et directeur du Centre Adalah pour les droits et libertés, fondé en 2014, une organisation de défense des droits humains qui agit également comme cabinet d’avocats pour la défense de ses clients, victimes du régime répressif égyptien. En 2014 déjà, Mohamed avait été arrêté pendant plusieurs mois pour avoir « manifesté sans autorisation ».
Vous souhaitez vous mobiliser pour demander la libération de Mohamed el-Baker ?
- Téléchargez la lettre, personnalisez-la avec vos coordonnées et adressez-la par voie électronique (en pièce jointe) ou par voie postale au ministre français des Affaires étrangères.
- Tweetez notamment les comptes @JY_LeDrian et @FranceenEgypte, postez sur Facebook, faites-le savoir autour de vous !
Contexte
Depuis la reprise du pouvoir par le régime militaire en 2013, l’Egypte connaît une dégradation extrêmement préoccupante en matière de droits humains. Le pouvoir s’attaque d’abord aux Frères musulmans, avec l’assaut mené le 14 août 2013 par les forces de sécurité, sous le commandement du Général Abdelfattah al-Sissi, sur les partisans du président Mohamed Morsi rassemblés sur les places de Rabaa et Ennahda au Caire. L’assaut fait entre 800 et 1000 morts selon différentes organisations de droits humains. Mohamed Morsi, le premier président égyptien élu démocratiquement est arrêté – il décède le 17 juin 2019 en prison – et très vite les Frères musulmans sont désignés comme groupe terroriste.
Les autres mouvements politiques démocratiques, de gauche ou laïcs subissent également la répression ainsi que les médias indépendants, les activistes et défenseur.es des droits humains. Les autorités les accusent habituellement d’assistance à une organisation terroriste, d’appartenance à un groupe terroriste ou encore de diffusion de fausses informations menaçant la sécurité de l’État et les poursuivent devant des tribunaux spéciaux dit de la sûreté de l’État, qui traitent normalement des affaires terroristes. Parallèlement, la menace terroriste reste toujours présente, surtout dans le Nord Sinaï, et le régime a recourt à toujours plus de répression. Arrestations arbitraires, recours à la torture, procès inéquitables, condamnations à morts et exécutions, disparitions forcées et exécutions extra-judiciaires deviennent courants voire systématiques, entraînant encore plus de radicalisation.
L’Égypte connaît une première vague d’arrestations de militants et personnalités politiques indépendantes en juin 2019 dans le cadre de l’affaire dite de l’Espoir, puis une seconde à la suite de manifestations inédites les 20 et 21 septembre 2019, avec l’arrestation de plusieurs milliers de personnes. La plupart sont libérées par la suite quand d’autres sont maintenues en détention, avec parmi elles de nombreuses figures de l’opposition, des militant.es politiques ainsi que des avocats, des défenseur.es des droits humains ou encore des journalistes.
La crise du Covid-19 marque une nouvelle détérioration de la situation des droits humains en Égypte en plus de l’aggravation de la situation économique et sanitaire. D’une part, le régime profite de la crise pour attaquer une nouvelle fois les militant.es et journalistes qui expriment un avis critique sur la gestion de la crise par les autorités égyptiennes. D’autre part, les conditions de détention des prisonniers sont rendues encore plus difficiles. Les visites des familles et des avocats sont suspendues et la plupart des détentions provisoires ont été pour la grande majorité renouvelées en l’absence des prisonniers et sans audition des avocats.