Mexique
Appel à mobilisation

L’injustice continue pour les tzotziles au Chiapas

Adrián Gómez Jiménez, Juan de la Cruz Ruíz, Abraham López Montejo et Germán López Montejo ont vécu un calvaire d'arrestations arbitraires, de tortures et d'années de privation injuste de liberté. Malgré leur libération, les victimes ne bénéficient toujours pas d'une réparation intégrale et l'impunité demeure intacte pour les auteurs de ces crimes.
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© Photo Nicolas lascourrèges - Montage Coralie Pouget/ACAT-France
Le 18 / 10 / 2023

Demandons justice et réparation pour Adrián, Juan, Marcelino, Germán et Abraham !

Téléchargez la lettre, personnalisez-la avec vos coordonnées et retournez-la par voie postale ou par voie électronique au Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire.

Qu'est-il arrivé à Adrián, Juan, Marcelino, Germán et Abraham ? 

Sur une période allant de 2002 à 2011, ces membres de la communauté tzotzil au Chiapas ont été condamnés à des peines de 20 à 75 ans d'emprisonnement, sans aucun mandat valable et sans avoir perpétré les crimes dont ils ont été accusés. Leur supplice a été aggravé par des actes de torture systématiques, qui les ont contraints à plaider coupables de crimes qu'ils n'avaient pas commis. Pendant tout ce temps, leur existence a été réduite à des cellules inhospitalières, où les soins médicaux étaient inexistants et les conditions de détention inhumaines. 

Ces cinq hommes, dépourvus des ressources nécessaires pour se défendre et ayant une maîtrise limitée de l'espagnol, ont été victimes d'une machine qui a fabriqué leur culpabilité au moyen de contraintes et d'aveux forcés. Des coups, des têtes recouvertes, des chocs électriques sur les parties intimes et la détention au secret sont quelques-uns des actes de torture qu'ils ont subis. En outre, les violations des droits de la défense commises dans le cadre de leurs procédures judiciaires sont scandaleuses. Ils ont été soumis à des procès inéquitables, sans défense adéquate et sans accès à un traducteur qui comprenne leur langue et leur culture. Ces atrocités réclament justice et nous rappellent que les droits des indigènes sont systématiquement bafoués au Mexique. 

Libérés, mais pas encore réparés : l'appel à la justice persiste 

Après avoir lutté sans relâche pour prouver leur innocence, les cinq victimes ont été libérées entre 2019 et 2022. Cette libération est due à la mobilisation sans faille des familles et collectifs les soutenant, qui demandent aujourd’hui la mise en œuvre de leur droit aux réparations. Il faut souligner que la détention arbitraire prolongée pendant des décennies a entraîné la perte de leur emploi, de leur logement et de sérieuses difficultés à retrouver leur projet de vie. De même, les cinq victimes conservent diverses séquelles physiques et psychologiques non traitées.

Le Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire a exhorté le gouvernement mexicain, dans son avis 43/2021, à accorder une réparation intégrale aux victimes, à mener une enquête approfondie sur les circonstances et à adopter des mesures appropriées à l'encontre des responsables. Cependant, à ce jour, les autorités compétentes n'ont pris aucune mesure pour s'acquitter de leurs obligations. À l'occasion de la visite de ce groupe de travail au Mexique en septembre 2023, demandons que ces mesures exhortées il y a déjà deux ans soient respectées.

Contexte

La torture et la fabrication de coupables au Chiapas

Au Mexique, l'appareil judiciaire répond aux intérêts d'un système de corruption et d'impunité. Les exemples abondent, en particulier au Chiapas, où des cas tels que ceux d’Adrián, Juan, Marcelino, Germán et Abraham sont monnaie courante. À cet égard, l'Enquête nationale sur les personnes privées de liberté du Mexique a révélé en 2021 que 23 % des personnes arrêtées étaient appréhendées dans la rue sans mandat d'arrêt, et que plus de 40 % ont déclaré avoir été accusés injustement d'avoir commis des crimes. 

Au Chiapas, la situation est particulièrement alarmante. Au lieu de mener une enquête diligente pour établir la vérité sur les faits, la police obtient des aveux de manière quasi systématique en ayant recours à la torture, que les personnes interrogées soient impliquées ou non. En conséquence de cette politique, des personnes innocentes sont arbitrairement détenues, interrogées et condamnées, sans autres preuves à leur encontre que des aveux obtenus sous la torture. La population affectée est principalement composée de populations indigènes et économiquement vulnérables, qui n'ont pas les moyens suffisants pour avoir accès à une défense adéquate et à un procès équitable.

Cette pratique de fabrication de coupables cause de graves préjudices dans les sphères familiales et sociales. Parmi les victimes, on trouve les familles, principalement des femmes, qui s'efforcent de défendre leurs proches injustement détenus afin d'obtenir leur libération. Ces femmes, souvent invisibles, sont également touchées sur le plan psychologique et économique, devant modifier leurs projets de vie pour se consacre à la défense de leurs proches. 

Un État négligent envers ses obligations internationales

Malgré l'engagement pris par le gouvernement en février 2023 de poursuivre la réparation intégrale d'Adrian, Juan, Marcelino, German et Abraham, il n'y a eu aucun progrès à cet égard. En conséquence, les victimes et leurs représentants continuent de demander à la Commission d'État d'aide aux victimes (CEEAV) du Chiapas de s'acquitter de son devoir de réparation. Cependant, cet organisme refuse de reconnaître ces cinq anciens détenus comme des victimes. 

Selon la Loi générale des victimes du Mexique, la reconnaissance du statut de victime permet à ces personnes d'accéder à la réparation intégrale. Cette reconnaissance peut être établie par la détermination d'organismes de défense des droits de l'homme que l'État mexicain reconnaît comme compétents, comme c'est le cas du Groupe de travail sur la détention arbitraire, qui a émis des recommandations en faveur de la réparation intégrale des 5 Tzotziles. Or, la CEEAV continue de refuser de prendre en charge ce cas en soutenant que des recommandations d'un organe national font défaut. Cela constitue une violation des standards internationaux auxquels le Mexique est lié.

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