La justice doit enquêter sur les exécutions sommaires !
Mobilisons-nous pour demander justice pour deux victimes d'exécutions sommaires !
Téléchargez la lettre, personnalisez-la avec vos coordonnées et retournez-la par voie postale, par voie électronique ou écrivez directement sur le site de la présidence de la République du Cameroun à l'attention du Président Paul Biya.
Qu'est-il arrivé à Guzang le 4 octobre 2023 ?
Messieurs Aburo Cletus Njohgo et Mbanyamsig Hansel Ndi ont été enlevés à leurs domiciles, situés dans la commune de Guzang, le 4 octobre 2023 autour de 17h00 par des combattants des Forces de défense d’Ambazonie (Ambazonia Defense Forces, ADF). Les deux hommes ont été amenés sur la place du marché où ils ont été publiquement accusés d’espionnage pour le compte des forces de défense et de sécurité (FDS) camerounaises. La scène est filmée par des membres des ADF. Les deux civils, assis au sol, sont qualifiés de « blacklegs » (traîtres). Subitement, ils sont fusillés à bout portant provoquant la panique autour de la place du marché. Les auteurs de ces deux meurtres déclarent ensuite : « dites à René, dites au commandant du BIR de venir récupérer leurs corps et de les enterrer » faisant vraisemblablement référence à René Claude Meka, chef d’état-major des forces armées camerounaises. La vidéo d’environ une minute a ensuite été diffusée sur les réseaux sociaux.
Les ADF assument leur crime
Selon Lucas Asu, porte-parole en exil au Canada du Conseil du gouvernement de l’Ambazonie (Ambazonia Governing Council, AGC) auquel les ADF sont affiliés, ce sont bien ces dernières qui sont responsables de l’exécution de ces deux « espions », « coupables de collaboration avec le Bataillon d’intervention rapide (BIR) et punis de la peine de mort, sentence prévue par le code de justice de l’AGC », dirigé par Lukas Cho Ayaba, exilé en Norvège. En réalité, en droit, il s’agit purement et simplement de deux exécutions sommaires, une mise à mort pratiquée en dehors des procédures judiciaires, qui viole les normes et conventions internationales dont la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH) et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).
La CDHC demande une enquête judiciaire
Le 7 octobre 2023, la Commission des droits de l’homme du Cameroun (CDHC) a « encouragé les autorités compétentes [à] poursuivre les enquêtes sur cet assassinat, afin que les suspects soient arrêtés et jugés par les tribunaux compétents conformément à la loi ». Hormis cette déclaration et celle venant du préfet du département de la Momo où se trouve Guzang, les autorités camerounaises se sont abstenues, jusqu’à ce jour, de communiquer sur ces deux exécutions sommaires laissant le doute sur l’ouverture d’une enquête judiciaire.
Contexte
Octobre-novembre 2016 : des avocats, enseignants et étudiants anglophones protestent contre la « francophonisation » des systèmes législatif et éducatif en vigueur dans les régions anglophones du Nord-ouest et Sud-ouest et contre la marginalisation de leur territoire. Les autorités camerounaises répriment violemment les manifestations pacifiques. Les villes de Bamenda, Buea, Kumba et Kumbo sont particulièrement touchées par la répression. Des centaines de personnes sont arrêtées. Plus de dix manifestants sont tués par balles entre octobre 2016 et février 2017. Les autorités camerounaises tentent le « black-out » : elles interdisent des organisations de la société civile, suspendent Internet et les lignes téléphoniques pendant trois mois entre janvier et avril 2017. Des groupes de militants anglophones répondent par des stratégies de désobéissance civile (boycott des écoles et opérations « ville morte »). En octobre 2017, les forces de défense et de sécurité tirent à balles réelles sur des manifestants qui célèbrent symboliquement l’indépendance des régions anglophones. Vingt personnes sont tuées, de nombreuses autres blessées. Des centaines de personnes sont de nouveau arrêtées. Des milliers fuient. Dès lors, les voix modérées anglophones sont supplantées par les appels à la lutte armée des groupes séparatistes. La guerre civile commence. Les symboles de l’État et les forces de défense et de sécurité sont attaqués. S’ensuit une militarisation des régions anglophones – avec notamment l’arrivée du Bataillon d’intervention rapide (BIR) – et une répression tous azimuts qui renforce encore davantage l’émergence de mouvements plus radicaux et violents au sein de la société anglophone. Entre 2016 et 2019, cette guerre de basse intensité a coûté la vie à plus de 3 000 personnes et déplacé plus de 500 000 personnes. Aujourd’hui, la situation sécuritaire dans les régions anglophones est incontrôlable. Il s’agit d’une « No go zone » où il est dangereux de se rendre. Une partie de ce territoire est administrée par des groupes séparatistes armés, qui sèment la terreur au sein des populations civiles, notamment par des exécutions sommaires de civils considérés comme proches des autorités et des attaques d'établissements scolaires dont plusieurs meurtrières. Ces groupes opèrent également par des actions de guérilla contre les forces de sécurité camerounaises et utilisent de plus en plus d’engins explosifs improvisés faisant régulièrement des victimes. Par peur des attaques des groupes séparatistes, de nombreux fonctionnaires ont fui. L’armée lance régulièrement des opérations de contre-guérilla qui se soldent parfois par des exécutions sommaires de civils. Lorsque des militaires sont tués lors d’embuscades menées par des séparatistes, il n’est pas rare que des opérations de représailles soient menées et ciblent les civils, considérés comme sympathisants des groupes armés : incendies de bâtiments, exécutions sommaires, arrestations suivies d’actes de tortures… Les forces armées peuvent s’appuyer localement sur des milices pro-gouvernementales qui assurent la sécurité et le renseignement dans certains territoires. En différents endroits, de nouveaux acteurs apparaissent sans avoir de liens avec des groupes séparatistes : il s’agit de coupeurs de route et autres groupes criminels qui profitent du chaos ambiant pour rançonner citoyens et commerçants. Depuis 2017, ce conflit interne a provoqué une crise humanitaire de grande ampleur à laquelle les autorités camerounaises n'ont pas apporté de solutions. Au contraire, elles restreignent la liberté des associations humanitaires présentes sur le terrain. Aujourd’hui, les civils n’ayant pas pu fuir la région sont régulièrement pris pour cible par les deux parties au conflit.