Cameroun
Appel à mobilisation

La justice doit enquêter sur les allégations de torture

Des militaires camerounais, en service à la Présidence de la République, auraient torturé plusieurs jeunes soupçonnés d’avoir volé une importante somme d’argent au sein du domicile du Directeur du cabinet civil de la Présidence. Jusqu’à ce jour, ces allégations ne font l’objet d’aucune enquête, bien que la torture soit incriminée en droit par l’article 277-3 du Code pénal.
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© Photo Nicolas lascourrèges - Montage Coralie Pouget/ACAT-France
Le 17 / 01 / 2024

Mobilisons-nous pour demander une enquête sur des allégations de torture au Cameroun !

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Que s’est-il passé ?

Selon l’ONG camerounaise Mandela Center International, près d’une dizaine de personnes travaillant au domicile du Directeur du cabinet civil de la Présidence de la République du Camerounou leur étant proches ont été arrêtées, sans mandat, les 4 et 5 décembre 2023 par cinq militaires, habituellement en service à la Présidence. Ces derniers, opérant en civil, n’auraient aucune qualité d’agents ou d’officiers de police judiciaire et ne sont donc pas habilités à entreprendre de telles arrestations. Les personnes enlevées sont soupçonnées d’avoir participé au vol d’une forte somme d’argent de près de deux milliards de Francs CFA (environ 3 millions d’euros) au sein du domicile privé de Samuel Mvondo Ayolo, le Directeur du cabinet civil de la Présidence de la République du Cameroun, situé dans le quartier de Bastos à Yaoundé, lorsque ce dernier était en déplacement le 2 décembre 2023.

Enlèvements et séances de torture

Plusieurs des personnes interpellées auraient été conduites dans un centre de détention non officiel situé dans le centre-ville de Yaoundé au lieu dit « Montée Anne rouge ». Sur place, elles auraient fait l’objet de graves sévices : bastonnade à l’aide de matraques, de machettes, de gourdins, de morceaux de bois, brûlures par le feu et électrocution. Parmi les victimes de ces actes de torture : Messieurs Mete’e Marie-Joseph, 20 ans, Zeh Meka Rodrigue, 34 ans, et Mesdames Ongono Bibiche, 24 ans, Mebanga Marguerite. Elles ont ensuite été transférées au sein de la Direction de la sécurité militaire de Yaoundé ou de l’hôpital miliaire de la région numéro 1 en ce qui concerne Zeh Meka Rodrigue.

Suite à la dénonciation publique de ces actes de torture par l’ONG Mandela Center International, le 11 décembre 2023, ces personnes ont pu retrouver la liberté après 30 jours de détention au secret.  

Le jeune Zeh Meka Rodrigue serait dans un état de santé particulièrement alarmant suite aux actes de torture subis.

Contexte

Le Cameroun, Etat d’Afrique du Centre-ouest, est une République qui n’a connu que deux présidents depuis son indépendance en 1960. Le président actuel, Paul Biya est arrivé au pouvoir en 1982. Cela fait plus de quarante ans que ce dernier dirige le Cameroun avec son parti, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC). Son emprise politique sur le pays est totale et plus de 76 % de la population camerounaise n’a jamais connu la moindre alternance dans le pays. Aujourd’hui âgé de plus de 90 ans, il fait l’objet de nombreuses spéculations autour de sa santé vacillante. Une lutte de pouvoir se joue entre différents cacites du RDPC dans la perspective de la succession de Paul Biya. Dans ce contexte de fin de règne, le pays vit une période de stagnation politique où les droits fondamentaux des citoyens sont régulièrement mis à mal, particulièrement lors des périodes électorales, où le droit à la liberté d’expression est drastiquement contrôlé afin de ne pas nuire au pouvoir en place. Le pays connaît deux situations de conflit : l’une dans l’Extrême-Nord où, depuis 2013, le mouvement djihadiste Boko Haram affronte l’armée camerounaise ; l’autre dans le Nord-ouest et le Sud-ouest où, depuis 2016, des groupes séparatistes anglophones combattent l’armée camerounaise.

Un usage régulier de la torture

Au Cameroun, la détention au secret, l’usage de la torture et des mauvais traitements sont des pratiques courantes sur l’ensemble du territoire, particulièrement dans les lieux de détention du bataillon d'intervention rapide (BIR), de la Direction générale de la recherche extérieure (DGRE), de la Division de la Sécurité Militaire (SEMIL) et du Secrétariat d’État à la défense (SED). Les victimes de ces pratiques tortionnaires sont avant tout des personnes lambda, torturées en vue de leur extorquer des aveux de culpabilité. Mais dans le contexte conflictuel et politique actuel, il s’agit également de personnes soupçonnées d’appartenance ou de soutien à Boko Haram, aux groupes séparatistes anglophones, de personnes membres ou sympathisantes de partis d’opposition, ou d’organisations de la société civile (médias, ONG de défense des droits humains).

Une impunité notoire dans les affaires de torture

Malgré la publication de plusieurs rapports et autres alertes concernant le phénomène tortionnaire au Cameroun, les autorités camerounaises n’ont jamais sérieusement enquêté ces dernières années, violant ainsi leurs obligations d’enquêter, de poursuivre en justice les responsables présumés de ces actes, de sanctionner leurs auteurs, et plus largement, leur devoir de faire en sorte que de tels agissements ne se reproduisent pas.

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