« Affaire Martinez Zogo », un crime pour lequel la Justice doit avancer !
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Qu'en est-il de l'affaire Martinez Zogo ?
Le 1er décembre 2023, une ordonnance de mise en liberté est rendue publique dans l’affaire Martinez Zogo, journaliste radio dont le corps atrocement torturé est retrouvé sur un terrain vague de la banlieue de Yaoundé le 22 janvier 2023, cinq jours après son enlèvement. Cette ordonnance, publiée sur les réseaux sociaux, ordonne la mise en liberté provisoire des deux personnalités les plus connues des quatorze personnes mises en examen dans cette affaire : l’homme d’affaires Jean-Pierre Amougou Belinga dit « AB » et le chef de la Direction générale des renseignements extérieurs (DGRE), le commissaire-divisionnaire Léopold Maxime Eko Eko. Quelques heures plus tard, un deuxième document, signé par le même juge d’instruction du tribunal militaire de Yaoundé, affirme que l’ordonnance de mise en liberté n’est pas authentique. Les deux accusés restent finalement en détention. Cet imbroglio au niveau de la justice militaire camerounaise est préoccupant car il laisse suggérer une ingérence du pouvoir politique dans le fonctionnement de la justice dans cette affaire.
Un journaliste vraisemblablement torturé à mort
Martinez Zogo était célèbre à Yaoundé pour son émission quotidienne « Embouteillage » diffusée sur Amplitude FM. Il dénonçait régulièrement des affaires de corruption, accusant parfois nommément des personnes connues au sein de l’élite au pouvoir. La découverte de son corps supplicié – « coups, mutilations, sévices à caractère sexuel, peau de la plante des pieds arrachée… » – a choqué l’opinion publique camerounaise et provoqué un électrochoc de la société civile qui a dit « plus jamais cela ! ». Face à la pression nationale mais également venant de la communauté internationale, le Président Paul Biya a rapidement ordonné une enquête conjointe gendarmerie-police et des arrestations ont rapidement été effectuées au sein de la DGRE. A ce jour, quat personnes sont mises en examen par le tribunal militaire de Yaoundé pour « complicité d'enlèvement et de torture ». Treize d'entre elles sont des membres de la DGRE, soupçonnés d’avoir participé à l’opération ayant entraîné la mort du journaliste camerounais, dont le chef de la DGRE, le commissaire-divisionnaire Léopold Maxime Eko Eko, en détention depuis fin janvier 2023. Le quatorzième accusé est Jean-Pierre Amougou Belinga, dit « AB », un homme d’affaires puissant et proche de plusieurs ministres du gouvernement, en prison depuis février 2023. L’identité des suspects arrêtés et incarcérés et l’utilisation de moyens de l’Etat pour entreprendre cette opération contre Martinez Zogo en fait une affaire d’État.
Une procédure judiciaire dépendante du pouvoir exécutif
Dans cette affaire, l'orientation de l’enquête vers le tribunal militaire de Yaoundé est le fait de la présidence de la République du Cameroun. Devant cette juridiction, le président de la République - via le ministre délégué en charge de la Défense - est de-facto le véritable chef du parquet. Le juge d'instruction du tribunal militaire de Yaoundé, qui a légalement un délai maximum de 18 mois pour mener ses travaux avant de prononcer un non-lieu ou une ordonnance de renvoi vers une juridiction de jugement pour qu'un procès soit organisé, est en réalité un exécutant des décisions politiques prises au niveau de la présidence de la République. A ce jour, des « doutes » persistent sur la sincérité de l’enquête menée. « Les charges retenues [de complicité] atténuent la responsabilité des suspects et des pièces déterminantes s’avèrent à ce jour non divulguées ou soustraites du dossier judiciaire » ont affirmé plusieurs sources proches du dossier à l’association Reporters sans frontières (RSF). Maître Calvin Job, avocat de la famille de la victime, continue à demander à ce qu’une nouvelle expertise médico-légale soit menée sur la dépouille de Martinez Zogo afin de déterminer précisément les actes de torture subis et ce qui a entraîné la mort. Les deux autopsies réalisées ne semblent pas s’être focalisées sur ces recherches pourtant essentielles. L’avocat appelle également à la requalification des faits reprochés aux personnes mises en examen : « assassinat » et non simplement « complicité ». L’enquête entreprise depuis maintenant plus de dix mois aurait dû théoriquement permettre d’établir la vérité sur les circonstances et les mobiles de cet assassinat. Force est de constater que ce n’est toujours pas le cas. Pour nombre d’acteurs de la société civile, il est nécessaire de tout remettre à plat et repartir sur une nouvelle enquête, avec un nouveau juge d’instruction qui poseraient des actes forts afin d’établir toute la vérité dans cette affaire de manière indépendante et impartiale.
Contexte
Le corps supplicié de Martinez Zogo a été retrouvé le 22 janvier 2023 à Soa, une banlieue de Yaoundé, capitale du Cameroun. Cinq jours auparavant, le 17 janvier en soirée, il avait été enlevé juste devant le poste de gendarmerie du quartier de Nkol-Nkondi où il avait tenté de trouver refuge alors qu’il était en voiture et poursuivi par ses futurs ravisseurs. Sa voiture vide est retrouvée près du portail. L’animateur radio est mort dans des conditions d'une exceptionnelle cruauté. Après la découverte macabre du corps de Martinez Zogo, une enquête est ouverte par la gendarmerie, mais elle est rapidement remplacée par une commission d’enquête mixte police-gendarmerie mise en place sur instruction du chef de l'État, Paul Biya, et dépendante du tribunal militaire de Yaoundé. En avril 2023, le premier juge d'instruction désigné sur ce dossier est dessaisi au profit d’n nouveau magistrat.
Une opération de grande ampleur contre Martinez Zogo
Selon l’enquête menée par RSF, Martinez Zogo aurait fait l’objet d’une filature sur une dizaine de jours par des hommes de la DGRE qui se relayaient par groupe de sept pour suivre les allées et venues du journaliste vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Le directeur des opérations de la DGRE, le lieutenant-colonel Justin Danwe, leader présumé du commando ayant enlevé et torturé à mort Martinez Zogo affirme « avoir agi sur ordre de l’homme d’affaires Jean-Pierre Amougou Belinga, dit "AB" pour monter une opération visant à intimider Martinez Zogo » à l'origine de nombreuses révélations publiques sur des scandales financiers éclaboussant une partie des élites au pouvoir et de leurs proches dont « AB ».
Une fois enlevé, Martinez Zogo aurait été emmené dans la commune de Soa, située au nord de Yaoundé. Après une première séance de torture, le journaliste aurait été transporté dans l’immeuble Ekang, un bâtiment appartenant à l’homme d’affaire Jean-Pierre Amougou Belinga dit « AB ». Sur place, il aurait fait l’objet d’une « violence inouïe : coups, mutilations, sévices à caractère sexuel, peau de la plante des pieds arrachée… » Il meurt sur place. Selon le témoignage de Justin Danwe, « AB » aurait été vu dans l’immeuble Ekang le soir du meurtre. Une vidéo des actes de torture lui aurait ensuite été transmise. Le 22 janvier, le corps du journaliste aurait été transporté de nuit sur un terrain vague à l’abri des regards. Des hommes de la DGRE auraient alors tenté de le faire disparaître avec de l’acide. Un second commando, également composé de membres de la DGRE, serait alors arrivé sur les lieux forçant le premier groupe à prendre la fuite et laissant le corps mutilé sur place. Le second groupe aurait alors déposé le cadavre du journaliste sur un chemin de terre en faisant en sorte qu’il puisse être retrouvé facilement.
Selon l’enquête menée par RSF, le décès de Martinez Zogo aurait été plutôt accidentel qu'intentionnel. Le but de l'opération consistait à un passage à tabac qui serait allé trop loin et aurait dégénéré avec notamment l’adjudant-chef « Djoda » qui aurait coupé l’oreille du journaliste qui, du fait de la douleur aiguë, se serait débattu entraînant de nouvelles violences de ses ravisseurs. Toutefois selon le lieutenant-colonel Justin Danwe, le ministre de la justice Laurent Esso, un pilier du régime, ami d’« AB », aurait donné l'ordre au téléphone de « terminer le travail ». Un vocable qui aurait pu conduire à une inculpation pour « meurtre » ou « assassinat » de ce dernier notamment. Jusqu’à ce jour, Laurent Esso demeure le ministre de la Justice du Cameroun et il ne fait l’objet d’aucune inculpation.
Une enquête qui piétine
Près d’un an après les faits, la seule charge officielle retenue contre les suspects incarcérés est celle de « complicité d’enlèvement et de torture ». Il semblerait que les données téléphoniques indispensables à la manifestation de la vérité, notamment ceux relatifs au téléphone de l’homme d’affaires « AB », n’auraient toujours pas été versées au dossier. Certaines informations auraient même disparu du dossier « faisant douter de la sincérité de l’instruction en cours » et de la volonté réelle des autorités camerounaises à établir la vérité sur les circonstances de cette affaire.