Vous avez dit justice ?
À l’occasion de la journée internationale contre la torture, l’ACATen collaboration avec Liberté et équité et l’OCTT publient « Vous avez dit justice ? », un rapport inédit sur le phénomène tortionnaire dans la Tunisie postrévolutionnaire.
Avec la fuite de l’ex-président Ben Ali le 14 janvier 2011, la chape de silence recouvrant le phénomène tortionnaire s’est enfin brisée. Pourtant, une révolution et une élection démocratique plus tard, la volonté populaire n’a toujours pas eu raison des pratiques tortionnaires et de l’impunité héritées de l’ancien régime.
Torture : la force de l'habitude
« La torture est certes moins systématique qu’à l’époque du régime de Ben Ali mais elle continue d’être exercée, essentiellement à des fins punitives et aussi, dans certains cas, dans le but d’extorquer des aveux » constate Hélène Legeay, responsable des programmes Maghreb / Moyen-Orient à l’ACAT.
Dans le cadre de manifestations ou de vagues d’arrestations massives, les forces de l’ordre usent souvent d’un recours excessif à la force, à de mauvais traitements et parfois même à la torture à l’encontre des protestataires. Ces actes sont manifestement planifiés et ordonnés, du moins à un certain niveau. Les journalistes, les blogueurs et les vidéastes amateurs sont aussi devenus les « bêtes noires » des agents des forces de sécurité et sont, à ce titre, particulièrement susceptibles d’être agressés au cours des manifestations.
Par ailleurs, les suspects dans les commissariats et les détenus dans les prisons demeurent susceptibles d’être victimes de violences et, dans de nombreux cas, de tortures.
Selon Imen Triki, présidente de Liberté et équité, « il arrive même que des personnes soient torturées simplement parce qu’elles ont eu un différend avec un agent de la force publique ».
L’impunité généralisée
Des réformes ont été engagées par les autorités tunisiennes en 2011 pour que les victimes de torture et de mauvais traitements aient accès à la justice. Si la première réforme refondant la justice militaire s’est révélée globalement positive, la seconde, modifiant les dispositions du Code pénal qui criminalisent la torture, s’est avérée plus critiquable.
« La justice souffre toujours de dysfonctionnements essentiels qui l’empêchent de mener à bien une véritable lutte contre l’impunité », déplore Radhia Nasraoui, présidente de l’Organisation contre la torture en Tunisie (OCTT).
Les magistrats, aussi bien civils que militaires, ne bénéficient pas de toutes les garanties nécessaires à leur parfaite indépendance et souffrent d’un manque de coopération de la part de la police judiciaire qui a déjà refusé de procéder à l’arrestation d’autres policiers suspectés d’être impliqués dans des actes de torture, de mauvais traitements ou de recours excessifs à la force.
Des magistrats ont par ailleurs parfois refusé d’entendre et de poursuivre certains agents du ministère de l’Intérieur, du ministère de la Défense, des magistrats et des médecins expressément mis en cause par les victimes et de requérir l’accès aux archives de la police, les mieux à même de compromettre les coupables.
Face à ce bilan mitigé des politiques mises en œuvre pour éradiquer le phénomène tortionnaire, l’ACAT, Liberté et équité et l’OCTT proposent dans leur rapport des recommandations pour aider la Tunisie à rompre définitivement avec les pratiques du passé.
Note :
- Le rapport "Vous avez dit justice ?" est disponible en suivant ce lien.