Mexique
Actualité

Exiger une enquête pour disparition forcée

Huit hommes de la famille Muñoz ont disparu il y a 6 ans. En dépit d’éléments laissant clairement supposer la participation de policiers dans leur disparition, il n'y a toujours pas eu d'enquête sérieuse pour disparition forcée.
Traces de mémoire76 (c)Anna Demontis
Exposition "Traces de mémoires" - Chaussures de la famille Muñoz symbolisant la recherche de leurs proches disparus. © ACAT - Anna Demontis
Le 15 / 05 / 2017

Le 19 juin 2011, la famille Muñoz, réunie à Anáhuac (Chihuahua) pour la fête des pères, a eu une altercation avec un individu qui tirait des coups de feu à proximité de leur résidence, puis avec des policiers municipaux qui refusaient d’intervenir. Quelques heures plus tard, un commando a embarqué le père de famille, quatre de ses fils, son gendre et deux neveux. Plusieurs signes laissent clairement penser qu’il s’agissait de policiers (un insigne visible, des communications par codes et radios à ondes courtes) mais les autorités ont toujours nié l’arrestation, et les victimes n’ont jamais reparu.

Les autorités se sont montrées particulièrement lentes pour traiter la plainte déposée par les proches.

Un accord a finalement été trouvé début 2017 pour que les experts indépendants et expérimentés de l’Équipe argentine d’anthropologie légiste (EAAF) se chargent de l’analyse de restes humains retrouvés en trois endroits et susceptibles d’appartenir aux disparus. L’ACAT avait entrepris un appel urgent en ce sens en avril 2016.

Cependant, les autorités ont récemment annoncé qu’au terme de leurs investigations un seul des auteurs, lié au crime organisé, était en vie et détenu. Or, l’enquête ne saurait être close tant que la participation des policiers municipaux et d’autres agents de l’État n’aura pas sérieusement été analysée.

 

Contexte

Les ravages de la « guerre contre le crime »

À son arrivée au pouvoir en décembre 2006, le président Felipe Calderón a déclaré la guerre à la délinquance organisée. D’une manière générale, les forces de l’ordre et l’appareil judiciaire ont procédé à des arrestations et condamnations massives en recourant à l’extorsion d’aveux et aux preuves illicites. Le bilan de la guerre de Calderón s’élève à des dizaines de milliers de personnes exécutées, disparues, déplacées et torturées. L’arrivée au pouvoir du président Enrique Peña Nieto, en décembre 2012, n’a pas changé la donne.

Les disparitions, une pratique endémique

On parle de disparition forcée lorsqu’une personne est arrêtée, détenue, enlevée par des agents de l’État ou par des individus privés avec le consentement tacite ou exprès des autorités, et que ces dernières refusent de reconnaître cette privation de liberté ou dissimulent le sort de la personne disparue et le lieu où elle se trouve. Soustraites à la protection de la loi et extraites de la société, les personnes disparues sont à la merci de leurs ravisseurs, souvent torturées, constamment menacées de mort. La famille des personnes disparues subit également une forme de torture psychologique. Elle est victime au même titre que les personnes disparues.

Le gouvernement mexicain refuse de reconnaître le recours aux disparitions forcées et se contente d’évoquer des personnes dont on a perdu la trace. Il incrimine les bandes criminelles sans mener d’enquête sérieuse pour établir qui sont réellement les auteurs de l’enlèvement, notamment si des agents de l’État sont impliqués, et sans rechercher efficacement les victimes.

30 942 disparitions ont été recensées en mars 2017 par le Registre national des personnes perdues ou disparues (RNPED). Ce chiffre est en constante augmentation depuis les débuts de la « guerre contre le crime organisé » selon la Commission nationale des droits de l’homme, qui atteste de 474 % d’augmentation des cas entre 2007 et octobre 2016.

Le 27 avril 2017, les parlementaires mexicains ont adopté une nouvelle loi qui, si elle est correctement appliquée, pourrait contribuer à endiguer le fléau. Elle donne enfin une définition de la disparition forcée conforme aux standards internationaux et reconnaît le caractère permanent et imprescriptible de ce crime. Elle prévoit par ailleurs un système national de recherche des disparus.

 

 

Vous pouvez agir en envoyant cette lettre aux autorités mexicaines.

Articles associés

Actualité
Marcelo_perez-CDH
Mexique

L’ACAT-France condamne l’assassinat du père Marcelo Pérez

Le 21 / 10 / 2024
Le père Marcelo Pérez, défenseur des droits des peuples autochtones du Chiapas au Mexique, pour lequel l’ACAT-France s’est mobilisée à plusieurs reprises, a été assassiné le 20 octobre au Mexique.
Appel à mobilisation
Visuel SITE-V3_AAM-RaphaelGonzalezLopez11
Mexique

Justice pour Rafael González et la communauté Triqui !

Le 24 / 09 / 2024
La communauté Triqui, déjà fragilisée par des violences passées, fait face à de nouvelles attaques de paramilitaires, qui ont entrainé la perte tragique du défenseur communautaire Rafael Gonzalez. Malgré les demandes de la communauté internationale, le gouvernement mexicain fait preuve d’un manque de volonté pour protéger ces populations vulnérables et faciliter le retour des familles déplacées.
Actualité
actu H34 1160 x 600
ArgentineBurundiBrésilChiliCamerounMexiqueParaguayRwandaTchadUruguay

Le crime des disparitions forcées

Le 26 / 08 / 2024
À l’occasion de la Journée internationale des victimes de disparitions forcées, le 30 août, l’ACAT-France revient sur ces crimes qui plongent les familles des disparus dans le désarroi et un impossible deuil. Découvrez le dossier de la revue Humains 34 consacré à ce sujet.