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Disparitions forcées : la justice contre l’oubli

Le 30 août marque la Journée internationale des victimes de disparition forcée, c’est-à-dire l’enlèvement d’une personne par un agent de l’État ou avec son consentement. Pour les victimes, dont on ignore la localisation, et dont la situation est niée par l’État en cause, c’est une violation très grave de leurs droits. Quant à leurs proches, obtenir justice est un parcours semé d’embuches. Portrait de la famille Muñoz, au Mexique, dans un pays qui compte plus de 100 000 victimes.
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© Illustration Coralie Pouget/ACAT-France
Le 30 / 08 / 2023

Nous sommes le 19 juin 2011. Au Mexique, c’est la fête des Pères. La famille Muñoz est réunie pour célébrer cette journée sans savoir que la fête va très vite tourner au cauchemar. Dehors, un individu armé tire des coups de feu et une altercation s’engage. La police locale reste muette à leurs appels et n’intervient pas. La situation dégénère.

Quelques heures plus tard, les Muñoz voient débarquer chez eux un groupe d'hommes armés et portant des uniformes de la police fédérale. Ils menottent le père, quatre de ses fils, son petit-fils, son gendre et un de ses neveux, et les font monter dans une voiture. Ils sont arrêtés. Ils disparaissent et ne reviendront plus jamais.

Le silence des autorités

Pendant des années, les autorités ont nié toute implication. Pendant des années, la justice s’est dite incompétente. Les plaintes ont été rejetées les unes après les autres jusqu’à ce qu’enfin, en 2021, un policier soit mis en cause. Comme il n'était pas officier de police à l'époque, la justice refuse d'identifier le crime comme un cas de « disparition forcée ».

Qu'est-ce qu'une « disparition forcée » en droit international ?

Lire la réponse.

D’après l’article 2 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, on parle de « disparition forcée » lorsque trois critères sont réunis :

  • la victime a été arrêtée, détenue, enlevée ou privée de sa liberté
  • le responsable est un agent de l’État ou agit avec le consentement de l’État
  • le sort de la victime est nié

 

« Le refus des autorités mexicaines d'inculper l'un des auteurs du crime de disparition en raison de l'inexistence de la loi au moment des faits est extrêmement préoccupant. Compte tenu du nombre considérable de ces cas avant la promulgation de la loi, un message très fort d'impunité est transmis à la société, où les responsables de ces crimes ne peuvent pas être dûment poursuivis et où la justice ne peut pas être rendue aux victimes.

– Rosario Ledesma, responsable Programmes et plaidoyer Amériques de l’ACAT-France.

 

Un début de justice

Pour la famille Muñoz, le combat est loin d’être fini. Lorsque huit de leurs membres disparaissent, la « disparition » n’était pas punie légalement jusqu’à l’adoption d’une loi en 2017. Conséquence, le policier mis en cause en 2021 pourrait échapper à cette mise en examen.

« Bien que la loi générale sur les disparitions ait été adoptée, les autorités mexicaines ont refusé, dès le début, de poursuivre le policier impliqué car il n'exerçait pas ses fonctions en tant qu’agent de police au moment des faits. Cependant, tout porte à croire qu'il y a bien eu consentement de l'État à la disparition de la famille Muñoz.

L'accusation de disparition commise par des particuliers, qui avait été initialement portée contre lui, a également été abandonnée car ce crime n'existait pas en tant que tel dans le droit mexicain à l’époque. Cet argument est contraire à l'article 13 de la loi générale sur les disparitions qui dispose clairement que la disparition de personnes constitue un crime permanent, c’est-à-dire qu’il continue d'être commis tant que les personnes ne sont pas localisées. Pour que justice soit rendue, il faut que cette disparition soit dûment reconnue et que l'implication de la police municipale et d'autres agents de l'État soit sérieusement analysée. »

 – Rosario Ledesma, responsable Programmes et plaidoyer Amériques de l’ACAT-France.

Au Mexique, on estime que 100 000 personnes sont portées disparues depuis 1962. Au moins 97% des cas auraient été commis après 2006, date de l’arrivée au pouvoir du président Felipe Calderón qui a militarisé le maintien de l’ordre.

Le Mexique est pourtant lié juridiquement à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Mais le pays n’a permis à son comité d’experts d’effectuer des visites de terrain que depuis 2021.

Ce n’est pas le seul pays où des disparitions forcées sont commises. C’est le cas aussi du Sri Lanka, où plusieurs milliers de personnes n’ont toujours pas été retrouvées. À chaque fois, le même modèle : une impunité systémique qui limite les enquêtes, bride la justice, empêche la vérité.

L'ACAT-France se mobilise pour demander vérité et justice pour la famille Muñoz

Elle demande aux autorités compétentes de l'État mexicain :

➡️ d’élaborer et de mettre en œuvre une politique intégrale de prévention et de réponse à la crise des disparitions forcées. Pour cela, les autorités doivent s’assurer d’une application immédiate et adéquate de la loi générale en la matière, et promouvoir des mesures efficaces pour rechercher et identifier les personnes disparues ;

➡️ d’établir des mécanismes de lutte contre l’impunité dans les cas de disparition forcée. Pour cela, les autorités doivent renforcer les prérogatives des institutions chargées d’enquêter sur ces crimes. Les enquêtes doivent être indépendantes et impartiales pour traduire les responsables en justice ;

➡️ de fournir un soutien intégral aux familles de victimes de disparition forcée. Pour cela, les autorités doivent prendre en compte les différentes dimensions auxquelles ces familles sont confrontées. Cela implique l’intervention des services d’appui psychologique, d’assistance juridique et de soutien socio-économique afin de faciliter leur processus de rétablissement et de reconstruction dans tous les aspects de leur vie.

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