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« Bordure protectrice », guerre impunie

Durant l'opération « Bordure protectrice », lancée par Israël à l'été 2014, la bande de Gaza a été le théâtre de nombreux crimes de guerre commis par les deux parties au conflit. Les familles gazaouies en sont les premières victimes : 2 251 Palestiniens ont été tués, dont 551 enfants, 500 000 ont été déplacés et 100 000 laissés sans-abris.
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Crédits : United Nations Photo
Le 10 / 08 / 2017

Gaza, 26 août 2014. Après 50 jours de conflit, les décombres s'amoncellent sur les 360km2 de l'enclave palestinienne coincée entre Israël et l'Égypte. Alors que les groupes armés palestiniens et les autorités israéliennes proclament un cessez-le-feu, les familles gazaouies continuent de souffrir des ravages provoqués par l'opération dite « Bordure protectrice », lancée par Israël le 7 juillet 2014. Le bilan est lourd : en un mois et demi, 2 251 Palestiniens ont été tués, dont 1 462 civils. Parmi eux, 551 enfants ont trouvé la mort. Les attaques israéliennes ayant principalement touché des habitations, 18 000 logements ont été détruits ou rendus inhabitables. Côté israélien, trois civils et 53 soldats ont été tués.

Les attaques menées lors de cet été meurtrier sont d'autant plus répréhensibles que la majorité d'entre elles n'ont pas respecté le droit international humanitaire (DIH) codifié par les Conventions de la Haye et de Genève, et censé protéger les populations civiles dans le cadre d'un conflit armé. Le fait qu'Israël ait bafoué trois principes majeurs du DIH, que sont les principes de distinction, de proportionnalité et de précaution, constitue un crime de guerre. Ce qui a été confirmé par la Commission d’enquête des Nations Unies : « La Commission a pu recueillir des informations importantes indiquant des violations graves du DIH et du droit international des droits de l’homme par Israël et par des groupes armés palestiniens. Dans certains cas, ces violations peuvent représenter des crimes de guerre », écrit-elle dans son rapport d’enquête publié en juin 2015.

« Cibler des civils »

Il est 17h40 à Gaza lorsqu'un missile israélien s'abat sur l'habitation de la famille Shuheibar, où vivent deux frères, Wissam et Tareq, avec leurs familles. Afnan (8 ans) et Udai (15 ans) nourrissent les pigeons sur le toit de l'immeuble avec leurs cousins, Wassim (9 ans), Jihad (10 ans) et Bassil (9 ans). Jihad et Wassim meurent sur le coup, tandis que Bassil, Udai et Afnan sont grièvement blessés. La petite dernière, Afnan, décède à son arrivée à l'hôpital. « À moins qu'il y ait des objectifs militaires légitimes, le fait de cibler des civils qui ne participent pas aux hostilités serait une violation du principe de distinction et pourrait constituer une attaque directe contre les civils », écrit la Commission d'enquête de l'ONU à propos du cas de la famille Shuheibar.

Le principe de distinction exhorte les deux parties au conflit à systématiquement distinguer les populations civiles et les combattants, mais aussi les cibles militaires des « biens de caractère civil », comme les écoles, les hôpitaux, les lieux de culte, mais aussi les habitations. Dans le cas de la famille Shuheibar, aucune cible militaire n'était présente dans la maison lors de l'attaque. De façon générale, plusieurs attaques de l'opération « Bordure protectrice » ont été menées au moment de l'iftar, pendant lequel les familles musulmanes se réunissent chez elles pour rompre le jeûne du ramadan. Ce fut le cas de la famille Siyam, dont une trentaine de membres étaient réunis dans la maison familiale pour fêter le ramadan à l’été 2014.

Deux cibles militaires, treize civils tués

Le 21 juillet, vers 6 heures du matin, ils sont réveillés par une déflagration. La famille décide de fuir immédiatement, mais un missile s’abat sur eux lorsqu’ils tentent de sortir. Neuf personnes meurent sur le coup, tandis que les autres décèdent à la suite de leurs blessures. Parmi les victimes, Mustafa (9 ans), Ghaidaa (7 ans), Abdel Rahman (6 ans) et Dalal (9 mois) sont tous des enfants de Nabil Siyam. Ce jour-là, il perd également sa femme, Shirin, deux de ses frères, deux belles-sœurs et quatre neveux.

Selon les autorités israéliennes, le meurtre de ces civils se justifierait par le fait que deux membres de la famille Siyam étaient militants, l’un pour le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) et l’autre pour les brigades al-Qassam. Ce qui en faisait, à leurs yeux, des cibles militaires. Pour autant, le fait que ces deux hommes soient des combattants n’a jamais été prouvé. Même si c’était le cas, précise la Commission d’enquête, cette attaque violerait tout de même le principe de proportionnalité qui interdit les attaques dont les dommages, les pertes en vies humaines et les blessures sont hors de proportion par rapport à l'avantage militaire attendu. À cet égard, alors que seulement deux personnes avaient été identifiées par Israël comme des « cibles militaires », la mort de treize civils, dont huit enfants, paraît disproportionnée.

« Pas de population civile, juste un ennemi »

Dans le cas de la famille Shuheibar, comme dans le cas de la famille Siyam, le principe de précaution qui veut que « les opérations militaires [soient] conduites en veillant constamment à épargner la population civile, les personnes civiles et les biens à caractère civil », a lui aussi été bafoué. Il semblerait que les habitants n'auraient pas été prévenus des attaques (voir encadré). À partir du moment où la présence de civils a été détectée, les forces militaires israéliennes auraient dû reporter, voire annuler l’opération ou reconsidérer les moyens employés. « Le choix des armes utilisées, l'heure des attaques et le fait que les cibles se situaient dans des zones densément peuplées indiquent que les Forces de défense israéliennes peuvent ne pas avoir fait tout ce qui était en leur pouvoir pour éviter ou limiter les dommages civils », précise la Commission d'enquête.

« Le fait de cibler les civils peut être une tactique militaire approuvée à un haut niveau décisionnaire », ajoute par ailleurs l’organe onusien. Ces attaques sont-elles le résultat d'une négligence ou plutôt la preuve d'une volonté délibérée de cibler les populations civiles ? Le doute est permis quand on sait que l'armée israélienne va jusqu'à revendiquer la capacité de ses soldats à cibler une attaque avec une grande précision. Selon un haut commandant militaire israélien engagé au sein du quartier général du corps d'infanterie : « En temps de paix, les soldats sont face à une population civile, mais en temps de guerre, il n'y a pas de population civile, juste un ennemi. » De leur côté, les familles gazaouies continuent de surveiller le ciel d'un œil craintif, dans la peur que survienne une nouvelle offensive.

Des avertissements inefficaces

Le respect du principe de précaution implique de prévenir les populations civiles de l’imminence de bombardements. Pour cela, les forces militaires israéliennes utilisent des tracts, émettent des annonces par haut-parleurs ou par radio, ou préviennent les familles par téléphone et SMS. L’autre technique employée consiste à effectuer des tirs de sommation sur le toit des habitations (appelés « roof-knock »). Mais cela « ne peut pas être considéré comme un avertissement efficace étant donné la confusion que cela occasionne parmi les résidents et le peu de temps qui leur est laissé pour évacuer avant la vraie attaque », précise la Commission d’enquête des Nations Unies. Plusieurs civils ont effectivement été retrouvés morts à la suite de bombardements annoncés par des tirs de sommation. La Commission d’enquête ajoute que beaucoup de civils palestiniens n’étaient pas en mesure de se déplacer, vu l’intensité des bombardements et le surpeuplement des refuges. Enfin, il est important de rappeler que même si les civils ne fuient pas après l’annonce d’une attaque, ils ne peuvent pas pour autant être considérés comme des cibles militaires.

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