Yonny Ronay Chacon González, étudiant de 22 ans, fils d’humbles paysans, vient d’être condamné au Chiapas à une très lourde peine de prison sur la base d’aveux obtenus sous la torture et de preuves fabriquées.
Le 13 mars 2019, tandis qu’il rentrait chez lui à Cintalapa, Yonny Ronay a été arrêté à un barrage de police à Tuxtla Gutiérrez où il étudiait. Il a été embarqué sans raison puis conduit dans les installations de la Division des enquêtes spéciales du Bureau du procureur de l’État. Là, il dénonce avoir subi les premières tortures pour le forcer à avouer un vol : maintien à genoux, gifles, coups avec une planche et un chiffon enroulé, simulacre de noyade et chocs électriques.
Le lendemain, on l’a fait apparaître dans la presse locale et sur les réseaux sociaux à côté d’armes lourdes pour le présenter comme un membre de gang et l’auteur d’un homicide dans une autre ville du Chiapas, celle de Villaflores.
Le surlendemain, alors qu’il devait être libéré (le dossier contre lui étant vide), des policiers sont venus le chercher pour le transférer vers les services du procureur de Villaflores. Les tortures ont repris, cette fois-ci pour le forcer à avouer l’homicide évoqué dans les médias la veille. Yonny Ronay dénonce, entre autres, des asphyxies à l’aide d’un sac plastique enduit de piment.
Il a ensuite été placé en détention préventive à la prison de Villaflores, accusé d’homicide aggravé puis de vol qualifié.
Tout dans cette affaire est aberrant ! Yonny Ronay a été arrêté de façon totalement arbitraire. Il n’y a contre lui que des preuves fabriquées. Ses droits à la présomption d’innocence et à une procédure régulière ont été bafoués de bout en bout. Il a produit plusieurs témoignages attestant qu’il était à Cintalapa le jour du meurtre de Villaflores dont on l’accuse. Il a dénoncé ses tortures dès les premières audiences devant le juge, et des certificats médicaux ainsi que plusieurs témoignages accréditent ses allégations.
Pourtant, la justice du Chiapas a délibérément ignoré toutes ces graves violations et vient de le condamner, ce 6 septembre 2021, à 31 ans et six mois de prison.
De surcroît, après avoir passé de très longs mois à l’isolement forcé du fait de la pandémie, Yonny Ronay n’a à présent droit qu’à une visite, d’une seule personne, tous les 15 jours.
Les autorités fédérales elles-mêmes ont pu constater comment se fabriquent de fausses preuves au Chiapas. En effet, en février 2020, elles sont venues interroger Yonny Ronay sur un témoignage qu’il aurait produit dans une autre affaire (celle de deux hommes accusés de vol et de port d’armes illégal) et que les services du procureur au Chiapas leur avaient transmis. Or, Yonny Ronay ne peut avoir été témoin de ces faits puisqu’il était déjà en prison à ce moment-là. Par ailleurs, la copie de son permis de conduire jointe à son faux témoignage n’a pu être transmise que par la Division des enquêtes spéciales du Chiapas qui le lui avait pris lors de son arrestation.
Vous souhaitez vous mobiliser pour demander la libération immédiate de Yonny Ronay ?
- Téléchargez la lettre, personnalisez-la avec vos coordonnées et adressez-la par voie électronique ou par voie postale au Procureur général de la République du Mexique via l'ambassade du Mexique en France.
- Tweetez notamment les comptes @FGRMexico, @FGR_Chis et @A_Encinas_R, postez sur Facebook, faites-le savoir autour de vous !
Contexte
Les ravages de la guerre contre le crime
Depuis 2006, le Mexique est le théâtre de très graves violations des droits humains, voire de crimes contre l’humanité. La « guerre contre la délinquance organisée » des gouvernements successifs n’a fait qu’ajouter des violations massives des droits humains à la violence des cartels et autres bandes criminelles.
La population civile est prise en étau. Les catégories les plus vulnérables (jeunes de quartiers pauvres, femmes, autochtones, migrants) paient le plus lourd tribut. Homicides, torture, arrestations arbitraires, disparitions, exécutions extrajudiciaires, etc. Tous les chiffres concernant ces exactions sont alarmants.
D’une manière générale, les autorités, souvent corrompues, ne mènent pas d’enquêtes sérieuses. L’impunité est la norme.
La torture, une pratique endémique
Policiers et militaires sont généralement responsables des épisodes de torture les plus sévères au cours des premières heures de l’arrestation, des transferts et de la détention.
Dans de nombreuses affaires, des agents des bureaux des procureurs sont accusés de couvrir des arrestations et des détentions arbitraires, torturer les détenus et fabriquer des preuves, procéder à des intimidations jusqu’à la présentation devant le juge.
Plusieurs cas mettent en évidence la complicité d’avocats commis d’office qui couvrent ou taisent les atteintes aux droits de leurs clients et de juges qui n’ordonnent pas d’enquête et condamnent encore à partir de preuves fabriquées et obtenues par la torture.
Une aggravation de la situation au Chiapas
Au mépris de tous les traités internationaux et des lois nationales adoptées ces dernières années pour lutter contre la torture, la pratique demeure et remplace des enquêtes scientifiques, diligentes et respectueuses des droits humains.
Le 26 juin 2021, à l’occasion de la Journée internationale des Nations unies pour le soutien aux victimes de la torture, le Centre des droits humains Frayba, partenaire de l’ACAT-France dans cet État, a rappelé que « la torture continue d'être pratiquée dans les bureaux des procureurs du Chiapas et dans le sous-sol de la Division des enquêtes spéciales. (…) [Au cours du premier semestre], Frayba a[vait déjà] enregistré 8 cas de torture. » Le Frayba a également attiré l’attention sur le fait que « dans le contexte de la pandémie de COVID-19, l'obstruction à la documentation et à la défense des cas de torture a augmenté. »
En conférence de presse ce 21 septembre 2021, la sœur de Yonny Ronay, profondément affecté par sa récente condamnation, a déclaré : « Aujourd'hui, nous réclamons la JUSTICE et la LIBERTÉ pour notre frère, afin qu'il puisse retrouver sa vie, ses rêves et que ma mère puisse enfin sourire. Pour que notre famille soit à nouveau complète. Nous réclamons également justice pour les victimes qui ont été injustement accusées alors qu'elles étaient innocentes, comme les deux personnes qui ont été condamnées à partir du témoignage fabriqué de notre frère. Nous demandons à être entendus et écoutés, dans nos demandes de justice, sans que l'État ou d'autres acteurs n'exercent de représailles contre nous, mon frère ou tout autre membre de la famille. »