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Vietnam. Le blogueur et journaliste d’investigation Duong Van Thai, condamné à 12 ans de prison.

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Portrait de Duong Van Thai
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Le 30 octobre 2024, un procès à huis clos à Hanoï a conduit à la condamnation du journaliste d’investigation vietnamien Duong Van Thai à douze ans de prison, suivis de trois ans de probation, pour « propagande contre l’État ». Ce verdict intervient plus d’un an après son enlèvement en Thaïlande, où il avait cherché refuge pour échapper à la répression. De nombreuses organisations de la société civile, comme Human Rights Watch (HRW) et Reporters sans frontières (RSF), dénoncent cette décision et réclament sa libération immédiate.

Un journaliste engagé dans la lutte contre la corruption

Duong Van Thai, né en 1983, est reconnu pour ses enquêtes sur la corruption au sein du régime vietnamien et les luttes de pouvoir au sein du Parti communiste vietnamien (PCV). Membre de l’Association des journalistes indépendants du Vietnam, sévèrement réprimée par le régime, il a publié plusieurs révélations sur la corruption des dirigeants du PCV, notamment via Facebook. Grâce à ses enquêtes, il est devenu une cible privilégiée de l’ancien secrétaire général du parti, Nguyen Phú Trong, qui menait une purge au sein de son administration. Grâce à ses sources dans les hautes instances du PCV, il a diffusé de nombreuses informations embarrassantes pour le régime, sous forme de textes et de vidéos. En 2019, face à la répression croissante et aux menaces répétées, il se réfugie en Thaïlande. En 2020, il obtient le statut de réfugié accordé par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, ce qui lui permet de continuer son activité journalistique, bien qu’il exprime régulièrement des inquiétudes concernant sa sécurité.

Un enlèvement en Thaïlande, suivi d’un rapatriement forcé au Vietnam en 2023

Le 13 avril 2023, Duong Van Thai a été enlevé près de son domicile à Pathum Thani, en Thaïlande. Des témoins ont rapporté avoir vu deux berlines blanches bloquer sa moto au moment de son enlèvement. Le lendemain, la police de la province de Ha Tinh, au Vietnam, a annoncé qu’il avait été arrêté pour « entrée illégale » sur le territoire vietnamien, prétendument en provenance du Laos. Après cela, aucune information n’a été donnée sur sa situation pendant deux semaines. Pourtant, le Code de procédure pénale vietnamien stipule que la police doit statuer sur le sort de tout interpellé dans un délai de neuf jours. Malgré l’expiration de ce délai, aucune information officielle n’a été communiquée. Les médias d’État vietnamiens ont qualifié Duong de propagandiste, affirmant qu’il publiait des « informations déformées » sur les dirigeants vietnamiens. Plus d’un an après, le 30 octobre 2024, il a été condamné à 12 ans de prison et 3 ans de probation pour avoir « produit, stocké, diffusé ou propagé des informations, documents ou objets visant à s’opposer à l’État », en vertu de l’article 117 du Code pénal de 2015, lors d’un simulacre de procès à huis clos à Hanoï. Le cas de Duong Van Thai n’est pas unique. D’autres réfugiés vietnamiens ont également été « exfiltrés » vers leur pays d’origine, souvent avec la complicité des autorités thaïlandaises, illustrant une tendance inquiétante d’enlèvements orchestrés par le gouvernement vietnamien à l’étranger. En janvier 2019, Truong Duy Nhat, de la Radio Free Asia, a été enlevé en plein cœur de Bangkok. Il a été condamné, le 9 mars 2020, à 10 ans de prison pour « abus de sa position professionnelle ».

En 2018, Long N.H., citoyen vietnamien résidant en Slovaquie, a été condamné par un tribunal allemand à près de quatre ans de prison pour avoir participé à l’enlèvement orchestré par Hanoï de Trinh Xuân Thanh, ancien membre du Parti communiste vietnamien, en plein milieu d’un parc à Berlin. En prétextant un voyage diplomatique, une escouade d’agents de la sécurité vietnamienne s’était déplacée en Allemagne pour organiser ce rapatriement forcé, présenté par le régime comme un retour volontaire. En réponse, le gouvernement allemand a pu remonter une partie de la filière impliquée et expulser deux diplomates vietnamiens.

Une condamnation dénoncée par les ONG et la Communauté Internationale

La condamnation de Duong Van Thai a été dénoncée par HRW et RSF, qui qualifient cette décision d’absurde et réclament sa libération immédiate. Dans un communiqué commun daté du 4 novembre 2024, la Délégation de l’Union européenne au Vietnam, ainsi que les ambassades des États membres de l’UE, du Canada, de la Norvège et du Royaume-Uni, se sont déclarées très préoccupées par la lourde peine prononcée par le Tribunal populaire de Hanoï. Elles regrettent également que le gouvernement vietnamien n’ait pas répondu aux demandes d’observation du procès soumises par la Délégation de l’UE et d’autres missions diplomatiques. Ces missions rappellent que le Vietnam, en tant qu’État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies (PIDCP) depuis 1982, est obligé de respecter, protéger et réaliser le droit à la liberté.

Contexte

Le Vietnam est l’un des pays d’Asie du Sud dans lequel la répression à l’encontre des journalistes est la plus sévère. Dirigé par le Parti communiste du Vietnam (PCV) depuis 1976, le régime de Hanoï ne tolère aucune critique, en particulier concernant son bilan en matière de droits humains. Le pays impose une répression de toute manifestation de la liberté d’expression, se traduisant par de nombreuses condamnations à de lourdes peines. Les journalistes y sont considérés comme des ennemis de l’État, ce qui entraîne des mesures visant à étouffer toute forme d’expression critique. Lorsqu’ils sont arrêtés, ces journalistes sont souvent placés à l’isolement, parfois dans le secret, pendant des mois durant les enquêtes et interrogatoires, ce qui constitue une violation des normes internationales. Cette pratique favorise également des actes de torture ainsi que des traitements inhumains et dégradants. En l’absence d’une presse libre et dans un pays où la justice est loin d’être indépendante, les journalistes, citoyens et blogueurs, comme les défenseurs des droits, représentent les derniers bastions d’une société réprimée, luttant pour que les citoyens vietnamiens puissent jouir des droits garantis par leur Constitution et les conventions internationales.

Le parcours du journaliste au Vietnam : Entre risques et résilience

Depuis 2016, le Parti communiste vietnamien a renforcé la répression du droit à l’information. Les journalistes critiquant le gouvernement sont souvent accusés de faire de la « propagande contre l’État » ou de « mauvaise utilisation des libertés démocratiques », ce qui peut entraîner des peines allant jusqu’à vingt ans d’emprisonnement. En 2021, la journaliste Pham Doan Trang, lauréate du prix Reporters sans frontières pour la liberté de la presse, a été condamnée à neuf ans d’incarcération pour avoir diffusé de la « propagande contre l’État ». Selon le Classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières, en 2024, le Vietnam se classe au 174e rang sur 180 pays, faisant partie des nations qui emprisonnent le plus de journalistes au monde. En 2023, 43 professionnels des médias ont été incarcérés pendant au moins 48 heures, et 37 journalistes sont actuellement en détention, dont 21 blogueurs. Le Vietnam demeure l’un des pays les plus répressifs en matière de liberté de la presse. Cette situation nécessite une vigilance accrue de la communauté internationale pour protéger les droits des journalistes et défendre la liberté d’expression.

La loi : un instrument de répression au profit du régime

La loi, censée protéger les droits et libertés des individus, assurer la justice et maintenir l’ordre public, est utilisée par le régime vietnamien pour étouffer toute dissidence. Le Vietnam recourt à des « lois vagues » permettant des arrestations arbitraires, malgré l’adoption d’un nouveau Code pénal en janvier 2018. Les articles 109, 117 et 330 prévoient des peines sévères, allant jusqu’à la peine de mort, pour des infractions telles que la « propagande contre l’État » et les « activités visant à renverser le gouvernement ». Ces lois sont souvent utilisées contre les journalistes, condamnés lors de procès ne respectant pas les normes d’équité. Accusés de crimes liés à la sécurité nationale, ces journalistes ne peuvent bénéficier de la libération sous caution et sont souvent placés à l’isolement pendant de longs mois, sans avoir accès à un avocat ni à des visites familiales. En détention, ils subissent des mauvais traitements et des actes de torture pour leur extorquer des aveux, notamment par des menaces et des passages à tabac. Les autorités pénitentiaires utilisent également des méthodes de torture psychologique, comme des injections de psychotropes et le déni de soins médicaux. Les conditions de vie dans les prisons violent les règles minimales de traitement des détenus établies par les Nations Unies (règles Nelson Mandela), notamment en matière de surpopulation, d’hygiène et d’accès à l’exercice physique. La répression est constante, et les personnes condamnées pour « propagande contre l’État » ne bénéficient d’aucune clémence. À l’occasion de la Fête nationale vietnamienne, le 2 septembre 2024, le régime de Hanoï a libéré près de 3 800 prisonniers de droit commun, mais aucun journaliste, défenseur des droits ou prisonnier politique n’a été inclus dans cette amnistie. Les organisations de défense des droits humains, telles que l’ACAT-France, interpellent régulièrement les autorités vietnamiennes sur l’utilisation de la loi comme outil de répression. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme a exprimé sa profonde préoccupation face à l’accroissement des arrestations arbitraires de journalistes et de défenseurs des droits humains au Vietnam, en violation de l’article 19 du PIDCP.

La stratégie de la « liberté contre l’exil »

Depuis 2017, plusieurs journalistes et défenseurs des droits humains ont été libérés avant d’avoir purgé l’intégralité de leur peine, puis immédiatement exilés à l’étranger. Bien que ces libérations soient perçues comme des victoires par de nombreux observateurs, elles sont souvent vécues de manière plus difficile par les personnes concernées, qui auraient préféré continuer leur travail au Vietnam. De nombreux journalistes, contraints de quitter le pays, avaient initialement refusé cet arrangement. Pour beaucoup d’entre eux, l’avis de leur famille a joué un rôle déterminant dans leur changement de position. Cette tactique a permis aux autorités d’éloigner les militants des droits humains et de la liberté d’expression dont la notoriété devenait trop importante, tant au Vietnam qu’à l’international, tout en coupant les liens qui les unissent à la communauté qu’ils défendent. Parmi ces milliers de militants, la blogueuse vietnamienne Tran Thi Nga a été libérée en 2020 après avoir passé près de trois ans en prison. Cependant, elle a été contrainte de s’exiler aux États-Unis avec ses deux enfants.

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