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Guantanamo à l’israélienne
«Combattants illégaux», centres secrets de détention, torture, déshumanisation des détenus… Au fil des témoignages et du descriptif des terribles événements qui se déroulent dans des camps militaires et prisons israéliennes, on ne peut s’empêcher de penser au funeste camp de Guantanamo. Une prison en particulier attire l’attention : le camp de Sde Teiman, dans le désert du Néguev, dans le sud d’Israël, à une trentaine de kilomètres à l’est de la bande de Gaza. C’est notamment dans cette base militaire que sont détenus des centaines de Gazaouis, sans inculpation ni jugement. C’est aussi dans ce centre de détention qu’existent les plus fortes présomptions de tortures de nombreux palestiniens, traités de manière inhumaine pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines.
Arrêtés, déshabillés et transportés comme du bétail
Dans un territoire entièrement détruit où les civils se retrouvent piégés et peuvent à tout moment mourir, les arrestations arbitraires sont monnaie courante. Le plus souvent, des hommes, mais aussi des adolescents ainsi que des femmes, sont arrêtés lorsqu’ils se retrouvent dans un secteur contrôlé par l’armée israélienne, parfois au hasard, parfois sur la base d’indications des services de renseignements. Les hommes sont alors dévêtus, ne gardant que leur caleçon. Les femmes quant à elles sont déshabillées sous une tente avant d’être ensuite rhabillées. Ils sont alors conduits dans un camp militaire israélien, parfois établi dans la bande de Gaza, mais sont le plus souvent transférés, les yeux bandés, entassés dans des camions, au camp de Zikim à un kilomètre au nord de Gaza. Ils sont généralement interrogés par l’armée et le Shin Bet, l’agence de renseignement intérieur israélien, toujours les yeux bandés et dans des positions inconfortables. Après quelques heures, ils sont transportés dans d’autres centres militaires comme Sde Teiman dans des bus bondés avant d’être jetés dans des cages ou dans des enclos surpeuplés. Pendant toute cette phase, les prisonniers sont humiliés, insultés, voire frappés.
Un recours à la torture systématique ?
Le calvaire commence véritablement dans les camps de détention et d’interrogation. Les détenus sont parqués dans des enclos en terre battue, entourés de grillages et de barbelés, rassemblant 70 à 100 détenus. Pendant toute la durée de leur détention dans ce camp, ils ont les mains attachées derrière le dos, et les yeux bandés. Ils ne peuvent aller aux toilettes qu’une fois dans la journée, et n’ont pas le droit de bouger sous peine de recevoir des coups ou d’être punis, devant alors rester debout, les bras au-dessus de leurs têtes, pendant des heures. Ils manquent de nourriture et ne reçoivent pas de soins, même pour les malades chroniques. Ils ne peuvent dormir que 4 à 5 heures la nuit, les projecteurs allumés, et parfois sans vêtements ou couvertures pour se protéger du froid. Plusieurs prisonniers ont également été attaqués par des chiens lâchés sur eux, par des soldats. Les détenus sont régulièrement contraints de se dévêtir complètement et l’on rapporte de nombreuses agressions sexuelles, notamment envers les femmes détenues.
Les interrogatoires visent à obtenir des informations sur leurs activités, leurs quartiers et ses habitants, ainsi que sur les activités du Hamas. Après la faillite sécuritaire du 7 octobre, les renseignements israéliens veulent tout savoir sur la bande de Gaza, et sont prêts à tout pour cela. Les témoignages font état de coups fréquents, parfois de chocs électriques, ainsi que de menaces contre les proches vivants dans la Bande de Gaza. Ils ne sont libérés qu’une trentaine de jours plus tard, et relâchés au point de Kerem Shalom, dans une état critique, où ils sont alors pris en charge par le croissant rouge palestinien et l’UNRWA.
Contexte
Le recours au statut de « combattant illégal »
Depuis le début de l’opération militaire israélienne, lancée à la suite des attaques du 7 octobre 2023, par des groupes armés palestiniens, l’armée israélienne a mis en place plusieurs camps de détention, bénéficiant d’un cadre juridique exceptionnel. Avec la guerre, tous les détenus de la bande de Gaza, sont considérés comme étant des «combattants illégaux», sans aucune distinction. Ce statut qui n’existe pas en droit international, permet à l’État d’Israël de ne pas appliquer la conventin de Genève, et de soustraire ces personnes appelées «combattants illégaux» à une protection reconnue dans la loi nationale ou dans les normes internationales. Ce statut créé en 2002, et qui a été amendé après l’attaque du 7 octobre, a pour but de donner encore plus de latitude aux autorités israéliennes, pour détenir pendant une longue durée (45 jours), sans aucune accusation, ni examen judiciaire de l’accusation (75 jours), ni accès à un avocat (6 mois), toute personne venant de la bande de Gaza, sans avoir à communiquer d’informations à son sujet. Ce statut de «combattant illégal», vient s’ajouter à celui existant de « détention administrative », qui permet également la détention de palestiniens de la Cisjordanie ou de nationalité israélienne, sans accusation, ni jugement, pour une durée quasi-indéfinie.
Un nombre de victimes difficile à évaluer
Il est difficile à ce stade de quantifier le nombre exact de victimes palestiniennes de la Bande de Gaza qui ont été arrêtées et détenues d’une manière ou d’une autre. Probablement plusieurs milliers de personnes. Les seuls chiffres confirmés sont ceux partagés par l’ONG israélienne Hamoked ainsi que l’ONG palestinienne Addameer. Au début du mois de juin 2024, 899 détenus gazaouis étaient enregistrés par le service pénitentiaire israélien. Cela ne concerne que les prisonniers gazaouis formellement inculpés et ne prend pas en compte ceux actuellement détenus, ou qui ont été arrêtés, puis relâchés. L’armée israéliennes dit avoir détenu 4 000 Palestiniens de la Bande de Gaza depuis le 7 octobre, dont 1 500 auraient été libérés.
Dans un rapport du 16 avril 2024, l’UNRWA a documenté la libération de 1 506 détenus au point de passage Kerem Shalom pour la période allant jusqu’au 4 avril 2024.
L’armée israélienne a par ailleurs reconnu la mort de 48 Gazaouis dans les camps militaires, dont 36 dans le camp de Sde Teiman. De l’avis de plusieurs ONG, un nombre plus important de morts est fort probable. Du fait de l’absence de toute communication, on ignore les noms des personnes arrêtées ou décédées en détention. De ce fait, on peut parler de disparitions forcées dans la plupart des cas. Depuis le début de la guerre, aucun observateur extérieur, comme le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) n’a été autorisé à se rendre dans les prisons israéliennes, ni dans les centres de détention militaire. De possibles cas d’exécutions extra-judiciaires ont également été rapportés durant des arrestations, mais aussi en détention, sans confirmation à ce stade.
Une réaction du gouvernement en forme d’aveu
Le 12 juin 2024, l’armée a annoncé qu’elle allait transférer la plupart des détenus de Sde Teiman dans d’autres prisons israéliennes, ou les relâcher dans la Bande de Gaza. Le camp devrait alors bénéficier d’une forme de mise aux normes, en matière de détention et ne devrait servir qu’à trier les détenus. Ce changement de politique intervient après une plainte portée par plusieurs ONG, demandant la fermeture du site de détention en question. C’est une forme de reconnaissance des conditions terribles qui prévalaient jusqu’alors dans ce camp. Si l’attention s’est particulièrement portée sur le camp de Sde Teiman, la situation demeure tout aussi préoccupante dans de nombreux autres camps de détention et prisons israéliennes.