Toujours aucune réponse, douze ans après les faits
Ce n’est qu'en 2015, lors de l’élection du président Maithipala Sirisena, au Sri Lanka, qu’une enquête de police a été ouverte sur la situation de Prageeth Eknaligoda. L’ACAT-France s'était alors mobilisée pour le soutenir. Prageeth Eknaligoda aurait été enlevé par deux anciens membres des renseignements dans un camp militaire du Nord-Est du pays, puis remis aux mains de l’armée.
Par la suite, neuf agents des renseignements impliqués dans son enlèvement ont été arrêtés par le Département d'Investigation Criminelle (CID) mais rapidement libérés sous caution. Un procès a finalement été ouvert en 2019 et les neufs accusés n’ont été placés en détention provisoire que récemment. La famille Eknaligoda, en particulier Sandya, l'épouse de Prageeth, s'est activement mobilisée depuis son enlèvement pour rétablir la vérité sur sa situation, d’autant que de nombreux témoins au procès ont modifié leurs déclarations, après avoir subi pressions et menaces. Son épouse a également fait l’objet de harcèlement, d’intimidations et de menaces. En 2018, des experts onusiens ont envoyé un appel urgent aux autorités sri lankaises afin d’alerter sur sa situation et demander à ce que Sandya puisse plaider en faveur de son époux dans un environnement sûr. Les autorités n’ont pas répondu à cet appel.
Un cas emblématique de l’impunité permanente de l’État sri lankais
Le Sri Lanka est l’un des pays qui enregistre le plus grand nombre de disparitions forcées au monde : près de 65 000 personnes au cours du conflit armé au Sri Lanka qui s’est terminé en mai 2009. Les enlèvements d’opposants politiques ont perduré par la suite. Or, les enquêtes sur les crimes commis par les forces de sécurité Sri Lankaises durant cette période sont au point mort et les entraves à la justice mises en place par le gouvernement actuel du clan Rajapaksa dans des affaires comme celle de Prageeth Eknaligoda ont été régulièrement dénoncées à l’échelle de la communauté internationale, jusque récemment. En effet, dans son rapport du 25 février 2022 sur la situation des droits humains au Sri Lanka, la Haute-Commissaire aux droits de l’homme a exprimé son inquiétude quant à « l’absence persistante de progrès et même de pas en arrière dans plusieurs cas emblématiques des droits humains en cours devant les tribunaux », soulignant que
« cela indique l’incapacité et le manque de volonté du gouvernement de poursuivre et sanctionner les auteurs des crimes lorsque les auteurs présumés sont des agents de l’État ».