Communiqué – Collectif Asile IDF
Conséquence de la loi Darmanin de janvier 2024[1], le premier site pilote « France asile » à ouvert hier, lundi 19 mai 2025, dans les locaux de la préfecture de Cergy-Pontoise[2]. Il regroupe les services de la préfecture, pour l’enregistrement de la demande d’asile, et ceux de l’Ofii pour l’attribution des conditions d’accueil et l’évaluation de la vulnérabilité[3]. Nouveauté préoccupante, ces services sont rejoints par l’OFPRA pour l’introduction de la demande d’asile, dans le cadre d’un entretien qui devrait permettre d’établir l’état civil et de récolter les premiers éléments sur lesquels se fonde la demande de protection[4].
Présenté au moment de la réforme comme simplifiant la procédure de demande d’asile et visant à raccourcir les délais d’établissement de l’état civil par l’OFPRA une fois la protection obtenue, ce dispositif, dans sa phase pilote, soulève déjà de nombreuses inquiétudes. Le Collectif Asile IDF entend alerter sur les risques d’atteintes au droit d’asile que ce nouveau dispositif fait courir, en l’absence de certaines garanties essentielles.
Une telle concentration d’acteurs dans un même lieu fait peser un risque important de confusion pour les personnes qui y sont reçues, alors même que chaque acteur remplit une fonction différente, plus ou moins coercitive, dans la procédure. Est ainsi entretenue une « confusion des genres » résultant de la proximité de personnels placés sous l’autorité de la préfecture et d’agents de l’OFPRA, dont l’indépendance doit être garantie. Enfin, cela questionne les modalités d’accueil du public et le respect de certains principes de confidentialité[5], de discrétion mais aussi de confiance dans le secret des échanges. On observe depuis plusieurs années que ces principes sont souvent mis à mal dans les lieux partagés par plusieurs acteurs, comme les centres de rétention ou encore les zones d’attente[6].
Par ailleurs, nos associations s’inquiètent de l’accélération des opérations dès ce stade de la procédure, alors même que les personnes sont souvent dans des situations de grande précarité (sans hébergement, ressources ou accès aux soins) et de vulnérabilité émotionnelle.
Il est en effet à craindre qu’un examen au fond de la demande d’asile soit déjà engagé dans le cadre de ce premier entretien, alors que la personne peut, à ce stade, avoir des difficultés à répondre à des questions de manière structurée et précise sans y avoir été préparée. Des difficultés d’autant plus compréhensibles dans ce lieu intégré dans la préfecture, légitimement perçue comme un espace insécurisant ou maltraitant par les personnes étrangères.
Même s’il est théoriquement possible de faire parvenir « tout élément ou toute pièce utile jusqu’à l’entretien personnel « , on peut s’interroger sur la réalité de la prise en charge de cette démarche par les SPADA[7]. En outre, nombre de personnes demandeuses d’asile seront de fait privées de cette possibilité, notamment celles qui sont placées en procédure accélérée,soit40% des demandes depuis 2016. La loi prévoit en effet que celles-ci peuvent être convoquées sans délai à l’entretien personnel sur la base de leurs seules premières déclarations, sans pouvoir les préciser ou les corriger en amont, avec un risque élevé de rejet de la demande.
Le Collectif Asile IDF appelle donc à la plus grande vigilance en ce qui concerne le déploiement de ce premier site pilote « France Asile », en raison des menaces qui pèsent sur le respect des principes d’indépendance de l’OFPRA, et de confidentialité des échanges, ainsi que du risque d’accélération de la procédure et de tri de certaines demandes, sans réel examen au fond des craintes de persécutions.
[1] Loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » – Article L. 121-17 du Ceseda
[2] Les autres sites pilotes sont prévus à Metz et Toulouse
[3] Office français de l’immigration et de l’intégration
[4] Office français de protection des réfugiés et apatrides
[5] Décret n° 2024-828 du 16 juillet 2024 relatif aux pôles territoriaux « France asile »
[6] Lire à ce titre le rapport « Le droit d’asile en rétention : l’analyse d’une chimère », réalisé dans le cadre du partenariat 2017/2018 entre La Cimade et le programme Migrations de la Clinique de l’Ecole de droit de Sciences Po
[7] L’asile en terre hostile : livre noir sur les pratiques abusives et illégales en Île-de-France. Collectif Asile IDF, juin 2024, p. 63, Accompagnement à géométrie variable
Signataires
- ACAT-France
- ATMF
- Dom’asile
- GAS
- Gisti
- JRS France
- La Cimade IDF
- Le CEDRE – Secours Catholique
- Le Comede
- Paris d’Exil