À l'occasion de la 20e journée mondiale contre la peine de mort consacrée à la torture, l'ACAT-France qui a mis en place une action de correspondance avec les condamnés à mort aux Etats-Unis il y a plus de 30 ans, a interrogé Paa Kofi, chargé de mobilisation et responsable de l'animation du programme. Il nous explique en quoi le lien tissé entre les correspondants et les détenus est essentiel.
Q1. En quoi consiste le programme de correspondance de l’ACAT-France avec des personnes condamnées à mort ?
Ce programme qui existe depuis 1992 cherche à soutenir moralement les personnes dans les couloirs de la mort américains, à travers les échanges épistolaires avec des personnes qui se portent volontaires.
Ces bénévoles écrivent par voie postale ou par e-mail aux condamnées à mort. Pour ces derniers, ces lettres et messages représentent un des moyens de s’extraire des murs de la prison. En effet, les condamnés à mort sont souvent gardés dans un niveau de sécurité maximal, ce qui veut dire qu’ils passent beaucoup de temps en isolement, sans même avoir de contacts avec d’autres détenus. En plus du temps et de l’investissement émotionnel qu’une telle correspondance peut demander, certains correspondants soutiennent financièrement le détenu auquel ils écrivent, afin qu’il puisse avoir accès à des biens de première nécessité. En effet, dans de nombreux établissements, les articles de base sont vendus par des commerçants privés, souvent avec des majorations ou des frais de service supplémentaires. Par exemple, les prisons d'État du Texas fournissent gratuitement du savon, mais les détenus doivent acheter leur propre dentifrice[1]
Q2. Quel est lien avec le combat contre la torture ?
D’abord, il faut établir une chose : S’opposer à la peine de mort, ne signifie pas banaliser un crime violent ni le cautionner. La majorité des condamnés ont en effet commis des crimes pour lesquels ils se retrouvent en prison. Toutefois, l’ACAT-France considère que la peine de mort constitue un châtiment cruel et inhumain pour bon nombre de raisons.
D’abord, les personnes condamnées à mort, selon les normes internationales, devraient jouir des mêmes traitements que le reste de la population carcérale. En réalité, leurs conditions de détention sont souvent beaucoup plus dures.
En juin 2015, un rapport du Comité contre la torture (CAT) des Nations unies a qualifié la peine de mort aux États-Unis d’acte de torture au regard des « exécutions ratées » et des délais extrêmement longs d’attente dans les couloirs de la mort pour des détenus soumis à une menace continuelle de mort imminente. Au Japon, les condamnés ne sont prévenus de leur exécution que le matin même. Ce refus d’indiquer à l’avance la date de l’exécution constitue une violation des droits du condamné et est assimilable à la torture psychologique.
Par ailleurs, les détenus qui y croupissent depuis longtemps souffrent parfois de ce qu’on appelle « le syndrome des couloirs de la mort ». Ce syndrome, internationalement reconnu, résulte généralement de trois facteurs : la dureté des conditions de détention, la durée de l’incarcération et l’angoisse de vivre en attendant l’exécution. Il peut entraîner des déséquilibres mentaux.
Ainsi, l’ACAT-France milite pour l’abolition universelle de la peine de mort et soutient par son programme de correspondance ceux qui subissent cette peine.
Q3. Par quels autres moyens l’ACAT-France s’engage-t-elle pour l’abolition universelle ?
À travers ses publications telles que le magazine Humains et ses Appels du Mois, l’ACAT France sensibilise le public sur la réalité de cette question parfois écartée de la sphère publique.
En partenariat avec l’association Ensemble Contre la Peine de Mort et l’Institut de Droits de l’Homme de Lyon, un projet de sensibilisation des lycéens à la lutte contre la peine de mort est en cours d’élaboration . L’idée est de former les étudiants de l’IDHL, qui, à leur tour, iront dans des classes de lycées à Lyon pour sensibiliser les élèves sur les enjeux du mouvement abolitionniste.
L’association œuvre également au sein de la Coalition Mondiale contre la peine de mort pour obtenir des avancées juridiques contre la peine de mort : abrogation de ce châtiment, mise en place de moratoires ou encore restriction du champ d'application de la peine de mort.
Enfin, en tant qu’organisation œcuménique, l’ACAT-France fait appel aux autorités des églises chrétiennes pour qu’elles affirment sans ambiguïté leur opposition à la peine de mort.
Pour en savoir plus sur le programme de correspondance : www.www.acatfrance.fr/agir-pour-condamne-a-mort