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Surpopulation carcérale : plus on construit, plus on enferme

45 420 personnes détenues en 1990, 51 441 en 2000, 60 978 en 2010, et plus de 70 000 en 2017 : les records de surpopulation ne cessent d’être battus[1].  La France atteint ainsi des taux de détention inégalés depuis le 19e siècle, contraignant 3 à 4 personnes à partager des cellules de 9m2 en maison d’arrêt et autour de 1 500 personnes à dormir chaque nuit sur des matelas posés au sol. Au mépris du principe de l’encellulement individuel et de la dignité des personnes, près de 15 000 personnes sont en « surnombre » et une quarantaine de maisons d’arrêt connaissent un taux d’occupation de plus de 150%[2].

Depuis 25 ans, près de 30 000 places de prison ont été construites, un effort immobilier inédit entraînant une hausse de 60 % du parc pénitentiaire. Mais ces politiques ont été sans effet sur la surpopulation car dans le même temps, le pays a emprisonné toujours plus et de plus en plus longtemps, sous le coup de politiques pénales essentiellement répressives. En effet, le nombre de personnes détenues a augmenté parallèlement au nombre de places de prison : construire plus n’a jamais permis de résoudre le problème de la surpopulation carcérale.

Ces politiques qui ont fabriqué de véritables usines carcérales, où la technologie et les impératifs de sécurité ont remplacé l’humain, seraient rendues nécessaires par une insécurité grandissante, une donnée contestable puisque des sources officielles comme l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ) font état d’un le taux de criminalité globalement stable, et d’un taux d’homicide en baisse depuis les années 1990[3]. En France comme ailleurs, la courbe du nombre de personnes détenues n’est pas tant liée à celle de la délinquance qu’aux choix de politiques pénales des gouvernants. Des politiques qui se sont concrétisées dans notre pays par l’allongement de la durée moyenne de détention et par une incarcération massive pour des petits délits. Ainsi, l’immense majorité des peines d’emprisonnement ferme prononcées le sont pour des délits de courtes peines : les trois quart sont inférieures à 1 an, la moitié est inférieure à 6 mois.

Surtout, construire plus de prisons, ce n’est pas mieux protéger la société. Au contraire. La prison produit ce qu’elle entend combattre : elle aggrave l’ensemble des facteurs de délinquance en fragilisant les liens familiaux, sociaux ou professionnels, favorise les fréquentations criminogènes, et n’offre qu’une prise en charge lacunaire – voire inexistante – face aux nombreuses problématiques rencontrées par la population carcérale en matière d’addiction, de troubles psychiatriques, d’éducation, de logement, d’emploi, etc.

 

[1] Ces chiffres sont disponibles sur le site du Ministère de la Justice : http://www.justice.gouv.fr/art_pix/ppsmj_2014.PDF

[2] ACAT, « Construction de nouvelles prisons : une politique qui mène droit dans le mur », 20/09/2016 http://www.acatfrance.fr/actualite/construction-de-nouvelles-prisons---une-politique-qui-mene-droit-dans-le-mur

[3] L’INHESJ affirme que le nombre de victimes d’homicide volontaire constaté par l’Institut médico-légal de Paris a diminué de 65 % entre 1994 et 2013. Informations disponibles sur : https://www.inhesj.fr/sites/default/files/fichiers_site/ondrp/focus/focus-9.pdf