Le journaliste Rida Benotmane libéré après un an et demi de prison
« Je remercie l’ACAT pour les efforts déployés pour moi et les personnes dans la même situation ».
– Rida Benotmane.
C’est en homme libre que le journaliste et défenseur des droits de l’Homme Rida Benotmane s’exprime après sa libération le 9 mars dernier, après un an et demi de prison. L’ACAT-France se réjouit de cette bonne nouvelle.
Sa condamnation constitue une grave atteinte à la liberté d’expression. Lors de son arrestation, la police l’avait questionné sur deux vidéos, publiées YouTube. Il y relayait des demandes de justice sociale, particulièrement importantes au Maroc. Rida Benotmane dénonçait également le risque d’utilisation du pass vaccinal contre le Covid-19 comme un outil de répression. La police lui reprochait aussi un message publié sur Facebook en septembre 2021 dans lequel il appelait à manifester contre les violations des droits de l’Homme par les forces de sécurité.
En étant maintenu à l’isolement en permanence pendant sa détention, Rida Bentomane a été victime de torture.
Une détention arbitraire
La procédure contre Rida Benotmane est une violation flagrante des droits de l’Homme.
Le 9 septembre 2022, Rida Bentomante est arrêté par la Brigade nationale de la police judiciaire de Casablanca. Pendant sa garde à vue, il n’avait pas eu le droit de contacter ses proches ni d’avoir un avocat lors de son interrogatoire.
Officiellement, Rida Benotmane était inculpé d’« outrage à un organisme réglementé par la loi », d’« outrage à des fonctionnaires publics dans l’exercice de leurs fonctions » et de « diffusion et distribution de fausses allégations sans accord ».
Il avait également été accusé d’avoir enfreint l’état d’urgence sanitaire pendant l’épidémie de Covid-19.
Après plusieurs audiences, le tribunal de première instance de Rabat le condamne le 7 novembre 2022 à trois ans de prison. Un verdict prononcé sans la présence de Rida Benotmane, ni de son avocat, ni même de sa famille !
Le 20 février 2023, La cour d’appel de Rabat a réduit sa peine de moitié.
Tout au long de la procédure, sa défense demandait l’abandon des poursuites au nom de « la liberté d’opinion et d’expression », droit protégé par l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Un texte que le Maroc a ratifié et qui l’engage, selon le droit international.
Des conditions de détention difficiles
Selon les informations recueillies par l’ACAT-France, ses conditions de détention étaient très difficiles.
Rida Benotmante
➡️ était maintenu en permanence à l’isolement à la prison Al Arjat 1
➡️ vivait dans une petite cellule froide et humide
➡️ n’avait droit qu’à une douche par semaine
➡️ n’avait le droit de sortir qu’une heure et demie par jour dans un petit espace ouvert
➡️ n'avait le droit de recevoir des visites de sa famille qu’une fois toutes les deux semaines à travers une vitre
➡️ n’avait le droit à un coup de téléphone qu’une fois par semaine pendant 15 minutes
La pratique de l’isolement cellulaire est strictement encadrée par les « Règles Mandela ». Elle ne doit être utilisée qu’en dernier ressort et pour une durée maximale de 15 jours.
L’isolement cellulaire à durée indéterminée, tel que le connaissait Rida Benotmane, est interdit par le droit international, car assimilable à un traitement cruel, inhumain ou dégradant voire à un acte de torture, selon les circonstances.
Un engagement pour les droits de l’Homme depuis de nombreuses années
Ce n’est pas la première fois que Rida Benotmane est emprisonné pour avoir pacifiquement exprimé son opinion sur Internet. Alors militant politique, il avait été emprisonné en 2007 pendant quatre ans pour avoir révélé la localisation du centre secret de détention de Temara, géré par les Direction de surveillance du territoire (DST), le service de renseignement intérieur du Maroc.
Ce lieu est connu pour de graves violations des droits de l’Homme. Des personnes y sont détenues et interrogées en raison de leur participation supposée à des activités liées au terrorisme. Des pratiques réalisées en dehors de tout cadre juridique puisque la DST n’a pas la qualité de police judicaire et ne peut donc détenir ou interroger des citoyens.
Libéré en janvier 2011, au moment du printemps arabe, Rida Benotmane s’engage dans le mouvement populaire du 20 février. Il rejoint plusieurs initiatives et organisations de défense des droits de l’Homme, comme l’Association marocaine des droits de l’Homme (MADH). En tant que journaliste, il couvre la situation des droits de l’Homme au Maroc, notamment au sein du site indépendant d’information Lakome. Il devient également docteur en droit, avec une thèse sur les libertés individuelles et le numérique.
En août 2013, il est attaqué et blessé à la tête pendant une manifestation, occasionnant sept points de suture et des maux de tête à répétition depuis. Sous la pression de la police, le médecin de service ne lui délivre pas de certificat médical et aucune enquête n’a jamais été ouverte sur son agression.
Retrouver sa place dans la société
Depuis sa libération, Rida Benotmane essaye de retrouver une activité économique, ce qui est loin d’être aisée.
« La plus grosse difficulté pour quelqu’un comme moi, c’est de retrouver du travail. La valeur travail est une valeur très importante pour moi et une façon de me réinsérer, en quelque sorte, dans la société ».
– Rida Benotmane à l’ACAT-France.
Avec son statut de militant politique fraichement libéré, et en raison de son âge (48 ans), il lui est difficile d’intégrer des entreprises. Rida Benotmane est en quelque sorte blacklisté par les entreprises et les employeurs qui ne veulent pas se mettre à dos le régime et ses relais en le recrutant.
Face à ce constat, il décide d’opérer une reconversion professionnelle pour traduire des textes en français vers l’arabe, deux langues qu’il maitrise parfaitement. En attendant de trouver un équilibre financier, il continue de bénéficier de l’aide de ses proches pour faire face aux dépenses de la vie quotidienne et pour s’occuper avec son épouse de ses enfants.