Isolement et travaux forcés en guise de célébration du Nouvel An lunaire
Le 18 décembre 2018, Lee Ching-yu (李凈瑜), citoyenne et résidente taïwanaise, a été autorisée à rendre visite à son mari, qui purge une peine de cinq ans pour « tentative de subversion d’Etat » à la prison de Chishan, dans la province du Hunan en Chine continentale. Lors d’une conférence de presse quelques jours plus tard, elle a révélé les conditions dans lesquelles Lee Ming-cheh (李明哲) est actuellement détenu. Depuis sa condamnation en novembre 2017, ce militant pro-démocratie est forcé de travailler dix heures par jour dans une usine de fabrication de chaussures (au lieu des huit réglementaires prévues par la loi chinoise) et n’a pas de jour de repos. Les autorités pénitentiaires cherchent à l’affaiblir physiquement en lui servant de la nourriture avariée et se sont débarrassées de ses vêtements chauds. Son compte au magasin de la prison a également été gelé, l’empêchant de se ravitailler en nourriture plus substantielle et en couvertures. Selon son épouse, Lee Ming-cheh aurait perdu plusieurs dizaines de kilos. Les gardes de la prison de Chishan ont par ailleurs refusé d’activer sa carte téléphonique et lui confisquent les courriers et livres que lui envoie sa famille.
Le 28 janvier 2019, Lee Ching-yu s’est vue signifier par la prison de Chishan une interdiction de rendre visite à son mari durant trois mois, au motif que les propos tenus lors de cette conférence de presse « déviaient » de la vérité. Entre septembre et décembre 2018, la famille du militant taïwanais était déjà restée sans nouvelles de lui, les autorités chinoises ayant refusé à plusieurs reprises leurs demandes de visite. Durant cette période, Lee Ming-cheh avait été transféré dans différentes prisons successives sans explication, avant de retourner à Chishan.
Jusqu’au 22 avril 2019, sa famille ne pourra donc recevoir aucune nouvelle de Lee Ming-cheh, bien que le système pénal chinois garantisse en théorie le droit à une visite par mois. Une situation particulièrement inquiétante étant donné la dégradation de son état de santé et les risques de mauvais traitements et de torture qu’il encourt.
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CONTEXTE
Enlevé en mars 2017 lors d’un voyage en Chine continentale, Lee Ming-cheh dirige Wenshan Community College, une organisation non gouvernementale taïwanaise. Soutenant des organisations de la société civile et des militants en Chine depuis de nombreuses années, il avait publié des commentaires sur le système politique chinois, promouvant les valeurs démocratiques et un système multipartite.
Une répression qui n’épargne pas les ressortissants étrangers
Depuis 2015, la Chine de Xi Jinping s’adonne à une répression de la société civile à grande échelle, ciblant entre autres les avocats, les voix indépendantes et les défenseurs des droits humains. Cette répression ne vise pas que des citoyens chinois mais également des ressortissants étrangers, comme Lee Ming-cheh.
En octobre 2015, l’écrivain et éditeur suédois résidant à Hong Kong, Gui Minhai, a été enlevé par la police chinoise alors qu’il était en vacances en Thaïlande. Après deux ans de détention au secret sans procès, il est brièvement remis en liberté surveillée puis à nouveau arrêté en janvier 2018. Depuis, il n’est toujours pas libre, et a même été forcé de se confesser sur la télévision d’Etat chinoise [Lire l’article de l’ACAT paru dans notre magazine Humains n°06 « Chine : dans les coulisses des confessions télévisées »]. De même, Lee Bo, citoyen britannique et libraire à Hong Kong avait été enlevé en février 2016 et avait disparu pendant trois mois avant de réapparaître en Chine continentale dans une « confession télévisée » et d’être libéré.
Plus récemment, l’ancien diplomate canadien Michael Kovrig a été arrêté le 10 décembre 2018 à Pékin pour avoir « mis en danger la sécurité nationale ». Observateur de la politique étrangère chinoise, il travaille pour le think-tank International Crisis Group en tant que conseiller sur l’Asie du Nord-Est. A ce jour, il est toujours détenu en Chine, sans procès.
Point de tension dans les relations sino-taïwanaises
L’affaire Lee Ming-cheh est d’autant plus sensible qu’elle intervient dans un contexte de tensions accrues entre Taïwan et la Chine. Lee Ming-cheh est le premier citoyen taïwanais à être condamné pour « subversion » en Chine continentale, et il est également le premier employé d’une organisation étrangère à être détenu depuis l’entrée en vigueur en Chine de la Loi relative à la gestion des ONG étrangères le 1er janvier 2017. Lee Ming-cheh travaillait auparavant pour le Parti démocrate progressiste, qui a gagné les élections taïwanaises en 2016 et mis à la présidence Tsai Ing-wen. Première présidente élue dans la seule démocratie du monde chinois, cette dernière n’a cessé de demander à Pékin de « respecter l’intégrité de l’île ». Or, Pékin considère Taïwan – indépendante de facto – comme une province renégate qui doit repasser sous le contrôle de la Chine continentale et maintient une pression constante sur le gouvernement de Tsai Ing-wen.