Accord d’entraide en matière pénale : Bilan de la campagne offensive de l'ACAT
En février 2015, la France et le Maroc ont signé un accord d’entraide judiciaire en matière pénale, devant être validé par le parlement. Sa vocation : mettre fin à une année de brouille diplomatique résultant de plaintes pour torture déposées en France, par l’ACAT et plusieurs victimes, contre des agents des services de sécurité marocains. Sitôt l'accord annoncé, l'ACAT a lancé une offensive, rapidement relayée par la presse et soutenue par de multiples organisations.
Un accord conclu au détriment des victimes
Le gouvernement français entendait faire adopter très discrètement l'accord (un « protocole additionnel » à la Convention d’entraide judiciaire) par le parlement. L’ACAT s'est démenée afin que le sujet fasse la une des journaux. Mobilisés dès les premiers instants, l’ACAT et le cabinet d’avocats Ancile, qui défend des victimes torturées au Maroc, ont attiré l’attention des médias en publiant une première analyse du texte. Leur but : alerter les parlementaires et l'opinion publique sur le fait que l'accord représentait une violation de la Constitution française et de ses engagements internationaux en matière de droits de l’homme… En effet, l'accord limite la possibilité pour les victimes de crimes commis au Maroc d’accéder à une justice équitable.
Une mobilisation massive
L’ACAT a été rapidement rejointe par d’autres ONG : Amnesty International, la FIDH, Human Rights Watch et la Ligue des droits de l’homme. Ensemble, elles ont adressé à tous les députés un « questions/réponses » explicitant les raisons pour lesquelles l'accord devait être rejeté. Ce document, très largement relayé dans les médias français, a permis aux ONG d’être auditionnées par les Commissions des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale et du Sénat. Au même moment, les militants de l'ACAT alertaient leurs députés et sénateurs sur les dangers de l’adoption du texte. D’autres acteurs sollicités par l’ACAT se sont exprimés contre le texte. Ainsi, le syndicat de la magistrature a lui aussi dénoncé publiquement « l'abandon des intérêts des victimes à la raison d’État d'un pays “ami de la France}” ». La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a elle aussi publié un avis sans concession, estimant que le protocole limite « l’effectivité de l’accès à une justice indépendante et impartiale ». Face aux critiques, le gouvernement a adressé à de nombreux parlementaires un argumentaire censé justifier l’adoption du texte, auquel a, à son tour, répondu l'ACAT.
Quels résultats ?
Le texte a été adopté par l’Assemblée nationale le 23 juin et par le Sénat le 15 juillet. Si le protocole est entré en vigueur, les acteurs en charge de sa mise en œuvre — notamment les magistrats — ont été suffisamment alertés et sensibilisés sur les dangers de son application. De quoi espérer que les magistrats veilleront à ne pas mettre en œuvre les dispositions contraires à la Constitution et aux engagements internationaux de la France. Si toutefois les victimes défendues par l'ACAT venaient à pâtir de l’application du texte, l'organisation ne manquerait pas d’utiliser toutes les voies de recours pertinentes pour qu’elles obtiennent justice… et de mobiliser à nouveau les militants !