Cameroun : vague de libération de militants séparatistes anglophones et d'opposants politique
A l’occasion du Grand dialogue national qui se tenait à Yaoundé, capitale du Cameroun, du 30 septembre au 4 octobre 2019, plus de 400 Camerounais - militants séparatistes anglophones et opposants politique - ont recouvré la liberté à la suite d’une décision du pouvoir exécutif ordonnant aux procureurs militaires d’abandonner les charges à l’encontre de toutes ces personnes.
Le 3 octobre 2019, le Président Paul Biya a annoncé l’arrêt des poursuites contre 333 détenus anglophones devant les tribunaux militaires et leur libération immédiate. Le lendemain, jour de la clôture du Grand dialogue national, le président camerounais a annoncé par Twitter l’arrêt des poursuites judiciaires contre « certains » responsables de l'opposition, notamment ceux du Mouvement pour le Renaissance du Cameroun (MRC), principal parti d’opposition du pays. Le 5 octobre, la présidente du tribunal militaire de Yaoundé a prononcé l'abandon des charges contre Maurice Kamto, président du MRC, et 101 autres militants et cadres de ce parti (dont Christian Ekoka, Albert Dzongang, Michèle Ndoki et Valsero). Après neuf mois de prison, ils ont retrouvé la liberté.
Maurice Kamto - candidat à l'élection présidentielle de 2018 - ainsi que plus de 200 membres et sympathisants du MRC, avaient été arrêtés entre le 26 et le 28 janvier 2019 après avoir manifesté pacifiquement dans plusieurs villes du pays contre les résultats de la présidentielle d’octobre 2018. Au moins 350 autres membres et sympathisants du MRC, dont son vice-président Mamadou Mota, avaient été arrêtés entre le 1er et le 2 juin après avoir tenté de manifester à nouveau. Le procès de Maurice Kamto et de 90 de ses partisans pour « insurrection et destruction de biens publics » avait débuté le 6 septembre. Une audience était fixée le 8 octobre devant le tribunal militaire de Yaoundé.
Selon le Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique Centrale (Redhac), il y aurait encore « au moins 2 000 personnes à libérer » en lien avec la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Parmi ces personnes, Mancho Bibixy, l’un des principaux leaders des protestations anglophones de fin 2016, détenu à la prison de Kondengui et pour lequel le groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a pris une position publique appelant à sa libération immédiate. Plus d’une centaine de détenus anglophones encore emprisonnés n’auraient également jamais vu de juge d’instruction, tandis qu’une soixantaine seraient actuellement en cours de procès. Du côté des membres et sympathisants du MRC, 60 seraient toujours en attente de procès, notamment le vice-président, Mamadou Mota.
Au Cameroun, il est fréquent que les personnes soupçonnées d’être opposées au gouvernement en place soient arrêtées sur la base de fausses accusations liées à la sécurité nationale et au terrorisme. Maurice Kamto et ses partisans n'auraient jamais dû être arrêtés ni poursuivis en justice pour le simple fait d’avoir organisé des manifestations pacifiques. Le régime les a mis en prison afin de pouvoir mieux les contrôler et les faire taire momentanément. Ils n’ont été libérés qu’à la suite de fortes pressions internationales. Ces libérations ont été justifiées au Cameroun par la volonté du Chef de l’Etat de promouvoir un climat de paix, de fraternité et de concorde. Elles sont survenues après le grand dialogue national laissant penser que le régime ne souhaitait pas voir Maurice Kamto participer à cet événement qui avait pourtant comme objectif de trouver collectivement des solutions à la crise majeure que connaissent les régions anglophones du Cameroun.
Aujourd’hui, une épée de Damoclès pèse au-dessus de la tête du principal opposant et de ses partisans. Dans une interview accordée le 6 octobre à Radio France internationale (RFI), le ministre camerounais de la Communication a averti que les personnes libérées doivent « se remettre sur le droit chemin, et faire de la politique dans le cadre des lois et règlements de la République » avant d’ajouter « ils doivent cesser de mener des actions insurrectionnelles ici et là, et cesser de contester les choses incontestables ».