Un journaliste injustement condamné à 10 ans de prison
Monsieur Ahmed Abba, correspondant de Radio France Internationale (RFI) en langue haoussa au Cameroun, a été condamné, le 24 avril 2017, à dix ans de prison ferme et à une amende de 56 millions de francs CFA (84 000 euros) par le Tribunal militaire de Yaoundé, en vertu de la loi anti-terroriste de décembre 2014, qui déroge au code pénal et ne respecte pas les principes d’un procès équitable.
Le 20 avril 2017, le Tribunal militaire avait reconnu coupable M. Ahmed Abba de « non-dénonciation d’actes de terrorisme » et de « blanchiment d’actes de terrorisme » au profit des djihadistes de Boko Haram, sans qu’aucune preuve de ces délits ne soit apportée. L’accusation n’a même pas indiqué de quel(s) produit (s)de blanchiment il s’agissait…
La condamnation s’est basée sur l’existence d’un téléphone qui aurait appartenu à « un terroriste » ou peut-être à « une victime du terrorisme » - selon les accusations changeantes du parquet - dont la sauvegarde numérique aurait été retrouvée dans l’un des ordinateurs du cybercafé que tenait le journaliste à Maroua, ville située dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun.
Les avocats du journaliste ont certes obtenu la non condamnation à mort de leur client, ainsi qu’une réduction de peine à dix ans de prison en faisant valoir la conduite exemplaire du journaliste depuis son arrestation, le 30 juillet 2015, et le fait qu’il n’ait jamais été impliqué dans la moindre affaire auparavant.
Mais cette condamnation reste injuste car elle ne se base sur rien. Elle laisse penser que c’est le travail d’investigation des journalistes indépendants qui est visé : un message d’intimidation pour tous ceux qui traitent des questions liées à la lutte contre Boko Haram et au respect des droits de l’homme.
Ses avocats ont fait appel. Il est primordial que cet appel soit examiné plus sereinement par un tribunal civil et ce rapidement.
Contexte
M. Ahmed Abba, un journaliste qui ne devrait pas être en prison
M. Ahmed Abba a été arrêté arbitrairement à Maroua le 30 juillet 2015 par les forces de l’ordre. Dans un premier temps, il a été maintenu plus de trois mois en détention au secret : il ne pouvait recevoir aucune visite (avocat, médecin, proches). Au cours de cette période, il a été torturé dans un centre géré par les services secrets nigérians. Il a ensuite dû attendre quatre mois en prison avant que son procès ne s’ouvre, le 29 février 2016, devant une instance judiciaire militaire et non devant une instance civile. Ce jour-là, l’accusation avait annoncé qu’elle présenterait cinq témoins pour faire « la preuve de la culpabilité » du journaliste. Ces témoins ne sont jamais venus à la barre… Pendant de nombreux mois, la procédure pour « complicité d’actes de terrorisme » et « non-dénonciation d’actes de terrorisme » a traîné en longueur devant le Tribunal militaire de Yaoundé et les audiences ont sans cesse été renvoyées pour diverses raisons, plus ou moins valables. L’accusation de « complicité » avec Boko Haram est tombée faute de preuves. Les preuves apportées par RFI ont également permis de faire tomber l’accusation d’ « apologie du terrorisme ». Les juges ont ainsi reçu une copie de tous les travaux produits par Ahmed Abba : nulle part dans les textes qu’il a rédigés, on ne trouve de trace de propagande en faveur de Boko Haram.
Le Cameroun, en guerre contre Boko Haram
Depuis 2014, la région de l’Extrême-Nord au Cameroun est en proie à un conflit armé asymétrique de basse intensité depuis que la secte islamiste nigériane Boko Haram a entrepris des attaques répétées contre les populations et les organes de l’État. Face à ces attaques, les autorités camerounaises ont déployé de plus en plus de soldats sur le terrain. Ces derniers ont répondu à Boko Haram par la force, y compris contre les populations considérées comme proches des islamistes. Depuis lors, la situation sécuritaire et celle des droits de l’homme se sont fortement dégradées dans le nord du Cameroun.
Vous pouvez agir en sa faveur en envoyant cette lettre.