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Le futur président devra prendre de vraies mesures pour éradiquer la torture

Á quelques jours des élections présidentielles (25 mai), l’ACAT a réalisé une mission afin de rappeler l’urgence de placer le respect des droits de l’homme au cœur des priorités politiques.
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Crédits : ACAT
Le 22 / 05 / 2014

Á quelques jours des élections présidentielles en Colombie (25 mai), l’ACAT a réalisé une mission dans le pays afin de rappeler l’urgence de placer le respect des droits de l’homme et la lutte contre l’impunité au cœur des priorités politiques.

Du 29 avril au 12 mai 2014, en lien étroit avec les 10 ONG locales qui composent la Coalition colombienne contre la torture, l’ACAT a rencontré des victimes et leurs familles, des associations de la société civile et des syndicats ciblés par la violence d’État et des représentants des pouvoirs exécutifs et judiciaires en charge de prévenir et sanctionner la torture.

Les conclusions sont sans appel : bien que généralisé, en dehors et dans le cadre du conflit armé interne (par les forces de sécurité et les paramilitaires - 91 % des cas - et les guérilleros - 9 % des cas), le phénomène tortionnaire demeure très sous-évalué et les auteurs de tortures jouissent d’une impunité quasi-totale.

Le plus souvent, les plaintes sont enregistrées sous des infractions de moindre gravité (lésions corporelles, abus d’autorité) ou ignorées au profit d’autres crimes jugés « plus graves », comme les exécutions extrajudiciaires ou les disparitions forcées. La situation est plus flagrante encore en ce qui concerne les traitements cruels, inhumains et dégradants qui, au regard du droit colombien, ne constituent pas des infractions pénales.

Les obstacles aux enquêtes sont multiples : les agents des forces de l’ordre cachent leur numéro d’identification (sous des gilets pare-balles le plus souvent), les témoins et les victimes de tortures ne sont pas placés sous protection après les dépôts de plaintes, les examens médico-légaux interviennent trop tard et ne répertorient que les blessures corporelles sans évaluer la probabilité de tortures physiques ou psychologiques.

Les enquêtes et les poursuites sont trop souvent confiées aux seules affaires internes de la police, de l’armée, de l’Institut national des pénitenciers et centres carcéraux (INPEC) et à la juridiction militaire. Les auteurs de tortures et mauvais traitements font parfois l’objet de sanctions administratives et disciplinaires, pratiquement jamais de condamnations pénales.

On peut distinguer trois grandes catégories de victimes de tortures et mauvais traitements.

La première, les personnes traditionnellement marginalisées, discriminées ou stigmatisées du fait de leur origine sociale (jeunes des quartiers pauvres), de leur orientation sexuelle (communauté LGBTI) ou encore de leur appartenance à des minorités ethniques (indigènes, afro-descendants). Á Bogotá et Cali, l’ACAT a eu connaissance de violences à l’encontre de femmes transsexuelles de la part de policiers et de gardiens de prisons. L’association a également été informée de nouveaux assauts paramilitaires à l’encontre des communautés de paix, en majorité afro-colombiennes, de la zone humanitaire de Puente Nayero à Buenaventra, et ce en dépit de la très forte présence militaire. Le 13 avril 2014, le jeune Carlos Andrés Angarita Jiménez avait été retrouvé torturé et démembré.

La seconde, les personnes privées de liberté. L’ACAT est préoccupée par des témoignages d’arrestations arbitraires massives et de détentions administratives préventives de la part de la police et de l’armée au cours desquelles les violences semblent courantes. Les visites des prisons La Picota, El Buen Pastor, La Tramacua et San Isidro ont mis en évidence des problèmes d’infrastructures, causes dans certains cas de traitements cruels, inhumains et dégradants (surpopulation, manque de ventilation, restriction d’eau, retard de soins). La totalité des prisonniers politiques rencontrés ont fait part de fouilles corporelles abusives, de transferts injustifiés, de mise à l’isolement prolongé (parfois des années) dans les Unités de traitement spécial (UTE), de punitions collectives (mises à nu, aspersion de gaz, exercices physiques brutaux) et de tortures (coups, décharges électriques) en représailles de plaintes.

La troisième, les défenseurs des droits de l’homme et, plus généralement, les personnes qui portent ou relaient des revendications politiques et sociales (leaders paysans, syndicalistes, mouvements étudiants, journalistes). Ils sont en butte à des menaces, des agressions, des écoutes, des arrestations arbitraires, du harcèlement judiciaire, voire des disparitions forcées. Des objecteurs de conscience ont dénoncé auprès de l’ACAT des arrestations arbitraires suivies de tortures afin d’enrôler de force des jeunes dans l’armée. La criminalisation des protestations participe de ces persécutions : des lois récentes tentent à favoriser un recours excessif de la force contre les manifestants. Fin avril, au cours de la grève nationale des paysans, l’ACAT a recensé plusieurs cas d’usage excessif de la force (taser, jets directs de balles en caoutchouc et de bombes lacrymogènes) et de détentions arbitraires violentes (coups, morsures de chien), notamment dans les villes de Berlín et Tunja.

L’ACAT salue certaines initiatives positives mises en place par les autorités, comme la création d’un mécanisme de prévention de la torture et des mauvais traitements dans les centres transitoires de réclusion de Bogotá ou le développement de formations au Protocole d’Istanbul (servant à détecter les tortures).

Ces avancées restent néanmoins insuffisantes. L’ACAT recommande notamment la ratification du Protocole facultatif à la convention contre la torture, la reconnaissance de la compétence du Comité contre la torture pour examiner les plaintes de particuliers et la mise en place d’un système d’enregistrement centralisé des plaintes, enquêtes et condamnations pour tortures. La prévention et la sanction de la torture doivent faire partie des objectifs du processus de paix et d’une reconstruction post-conflit.

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