Harcèlement d’un détenu afro-colombien
Depuis le 12 mars 2015, un gardien que M. Medina Payán a désigné comme l’un de ses principaux tortionnaires harcèle le détenu. Il l’empêche notamment d’accéder aux activités ouvrant droit à des réductions de peine sous prétexte que le détenu doit d’abord se raser la tête. Déjà, le 18 novembre 2014, des gardiens l’avaient enfermé dans la salle de coiffure pour l’obliger à se raser. Monsieur Medina Payán est afro-colombien et fait valoir son droit à garder ses cheveux longs selon sa culture. Plusieurs arrêts de la Cour constitutionnelle lui garantissent ce droit.
Le 31 octobre 2011, M. Medina Payán a fini inconscient après une bastonnade de la part de gardiens. Il a porté plainte pour torture. En janvier 2013, il a refusé la conciliation demandée par les services du procureur indiquant qu’il souhaitait maintenir sa plainte. Monsieur Medina Payán et sa famille ont alors commencé à recevoir des menaces. Le 17 août 2013, le détenu a été placé à l’isolement sans raison apparente. Le 28 septembre 2013, les gardiens l’ont sorti de sa cellule en lui projetant du gaz poivre au visage et en le frappant avant de le remettre à l’isolement. Une nouvelle plainte a été déposée. Le 27 juin 2014, les gardiens l’ont obligé à se mettre nu, l’ont insulté, lui ont projeté du gaz poivre sur les parties génitales, l’ont frappé puis mis à l’isolement pendant six jours. Le samedi 6 septembre 2014, les gardiens, après avoir sorti le détenu de sa cellule, l’ont insulté, aspergé de gaz poivre et frappé à coups de pied, poing et matraque, puis maintenu à l’isolement.
À ce jour, les plaintes pour torture n’ont pas connu d’avancées. Aucune mesure disciplinaire ne semble avoir été prise à l’encontre des gardiens incriminés.
Contexte
Système carcéral en crise
Plus de 120 000 détenus sont entassés dans les prisons du pays. Ils souffrent de la promiscuité et de la violence engendrées par la surpopulation carcérale, ainsi que de conditions d’hygiène déplorables, propices à la propagation de maladies (tuberculose, lèpre, hépatite, VIH, etc.) et aux intoxications alimentaires, du manque d’accès à l’eau potable et aux soins. S’ajoutent à cela des tortures et mauvais traitements infligés par des fonctionnaires de l’Institut national pénitentiaire et carcéral (INPEC) ‑ parfois même par certains directeurs de prison ‑ et par des membres de l’armée. Punitions collectives (restriction d’accès au téléphone, aux cellules, à l’électricité, à la nourriture, à l’eau potable), mises à l’isolement, pressions sur les proches lors des visites, simulacres d’exécution, passages à tabac, mises à nu, placements dans la position du « scorpion » (pieds et poings menottés ensemble), aspersions de gaz lacrymogène, agressions sexuelles et asphyxies sont les pratiques tortionnaires les plus courantes.
Du 29 avril au 12 mai 2014, en lien étroit avec les 10 ONG locales qui composent la Coalition colombienne contre la torture, l’ACAT a rencontré des détenus des prisons La Picota, El Buen Pastor, La Tramacua et San Isidro. La totalité des prisonniers rencontrés a fait part de fouilles corporelles abusives, de transferts injustifiés, de mises à l’isolement prolongées (parfois des années) dans les unités de traitement spécial (UTE), de punitions collectives et de tortures (coups, décharges électriques) en représailles de plaintes. Les auteurs de tortures et mauvais traitements font parfois l’objet de sanctions administratives et disciplinaires, mais pratiquement jamais de condamnations pénales. L’ACAT recommande, notamment, la ratification du Protocole facultatif à la Convention contre la torture afin que des mécanismes de prévention et de sanction de ces tortures et mauvais traitements en prison soient mis en place.
Discrimination des populations indigènes et afro-colombiennes
En Colombie, les communautés indigènes et de descendance africaine sont toujours la cible de discrimination raciale. Ces minorités ethniques souffrent d’une importante marginalisation, de pauvreté et d’inégalités d’accès à un travail ou à l’éducation.
Le 21 mars a été proclamé, par les Nations unies, Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale.