Un militant victime de torture porte plainte
Le 15 / 07 / 2014
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Le 9 juin 2014, avec le soutien de l’ACAT et de TRIAL, Moudhafer Labidi a porté plainte pour les sévices subis lors de sa détention au commissariat de Gafsa six ans plus tôt. À ce jour, aucune enquête n’a été ouverte.
Moudhafer Labidi a été arrêté avec son père le 1er juillet 2008, dans le cadre de la violente répression des manifestations syndicales organisées dans la région de Redeyef. Les manifestants protestaient contre la fraude ayant entaché le concours de recrutement de la Compagnie des phosphates de Gafsa, principal employeur de la région. Le jeune militant, alors âgé de 23 ans, a été interrogé et torturé pendant sept jours au commissariat, de même que son père et d’autres personnes présumées avoir participé aux manifestations syndicales. Après avoir signé des aveux sous la torture, il a été présenté devant un juge d’instruction qui a ordonné son placement en détention. Le juge d’instruction n’a pas demandé l’ouverture d’une enquête pour torture malgré les traces de coups et le récit des sévices fait par la victime.
En décembre 2008, Moudhafer Labidi a été condamné à six ans d’emprisonnement aux côtés de 37 autres accusés, eux aussi torturés pour la plupart. Il a bénéficié d’une libération conditionnelle près d’un an plus tard, probablement en raison des fortes protestations que cette vague de répression a suscitées.
En 2013, l’ACAT et son partenaire suisse TRIAL ont engagé un avocat tunisien, Me Lotfi Ezzedine, avec lequel elles ont documenté les tortures subies par M. Labidi afin de déposer une plainte devant la justice tunisienne. À ce jour, la plainte n’a toujours pas été enregistrée par le greffe du tribunal de Gafsa. L’ACAT craint que le procureur ne prenne pour prétexte la création d’une instance de justice transitionnelle pour refuser d’ouvrir une enquête pour torture et renvoyer la victime vers l’instance dont les prérogatives sont encore mal définies et qui n’aura, de toute façon, aucun pouvoir judiciaire.
Contexte
La révolution tunisienne n’a pas eu raison des pratiques tortionnaires héritées de l’ancien régime et de l’impunité de ceux qui les commettent. La torture est certes moins systématique qu’à l’époque de Ben Ali, mais elle continue d’être exercée, non seulement à des fins punitives, mais aussi dans le but d’extorquer des aveux. Les personnes arrêtées dans le cadre de la lutte antiterroriste demeurent aujourd’hui les principales victimes de la torture. Toutefois, les personnes suspectées de crimes de droit commun, et notamment de trafic ou de consommation de stupéfiants, sont fréquemment victimes de mauvais traitements pouvant aller jusqu’à la torture.
Le phénomène tortionnaire est encouragé par une impunité généralisée. En effet, bien que la situation se soit quelque peu améliorée depuis la révolution, les plaintes enregistrées sont encore trop rarement instruites et lorsqu’elles le sont, l’instruction est souvent entachée d’irrégularités.
Depuis septembre 2012, l’ACAT et son partenaire suisse, TRIAL, ont développé un grand nombre d’actions pour aider les victimes de torture à obtenir justice en mettant en œuvre un programme de renforcement des capacités de travail des avocats travaillant sur les dossiers de torture.
En novembre 2012, dans le cadre de ce projet, l’ACAT et TRIAL ont formé une vingtaine d’avocats tunisiens, puis engagé plusieurs d’entre eux, pour travailler sur 14 dossiers de victimes ayant été torturées en Tunisie avant ou après la révolution, dont le dossier de Moudhafer Labidi.
Le 14 janvier 2014, l’ACAT et TRIAL ont publié un rapport, Tunisie, un printemps inachevé : dix cas de torture passés au crible, qui dresse le bilan de leur travail et formule des recommandations à l’attention des autorités tunisiennes pour améliorer la lutte contre l’impunité.