torturé et poursuivi sur la base d'un témoignage forcé
Le 30 octobre 2014, se sachant recherché par les services antiterroristes, Mohamed Ferchichi, s’est rendu au commissariat de Siliana, le plus proche de chez lui. Après son arrivée, il a été transféré dans les locaux de la brigade antiterroriste (BAT) de Gorjani à Tunis.
Pendant toute sa garde à vue, les agents l’ont torturé pour lui faire signer des aveux. Mise à nu, coups de poings, de pieds et de matraques, falaqa, lacération du dos avec un tuyau en caoutchouc, simulacre de noyade, brûlures, électrocution, violences sexuelles... les sévices ont été tels que le Parquet a dû ordonner le transfert de Mohamed Ferchichi à l’hôpital après cinq jours de garde à vue. Le médecin urgentiste a établi un certificat constatant sans ambiguïté les traces de violence.
Mohamed Ferchichi a dénoncé les tortures au juge d’instruction qui l’a vu à l’issue de sa garde à vue. Le juge a ordonné son placement en détention. Toutefois face aux traces manifestes de sévices, il a demandé au médecin de la prison d’examiner le détenu. Le 11 novembre 2014, le médecin a établi un certificat constatant les traces de torture.
Juste après son premier passage devant le juge d’instruction, Mohamed Ferchichi a été entendu par le procureur en charge des affaires de torture.
Ce n’est que le 26 février 2015 que ce dernier a désigné un juge d’instruction pour enquêter sur les allégations de sévices, sans qu’aucun des agents de la BAT ne soit mis en cause. Il faudra encore attendre le 1er septembre suivant pour que ce juge d’instruction entende la victime et ordonne une expertise médico-légale. Plus de deux ans plus tard, l’expertise n’a toujours pas été réalisée.
Mohamed Ferchichi est toujours détenu et attend la fin de son procès. Les aveux forcés du prétendu témoin n’ont pas été invalidés. Tandis qu’il souffre quotidiennement des séquelles de sa torture, ses tortionnaires continuent d’officier en toute liberté.
Contexte
La torture, un fléau persistant
Le cauchemar subi par Mohamed el-Naceur Ferchichi est emblématique du phénomène tortionnaire tunisien qui perdure aujourd’hui encore. La torture est fréquemment employée à l’encontre de victimes aux profils divers : personnes soupçonnées d’avoir un lien avec des activités terroristes, personnes soupçonnées d’infractions de droit commun, mais aussi jeunes activistes considérés comme tenant des discours hostiles au gouvernement. Ces dernières années, plusieurs suspects de droit commun sont morts dans des postes de police dans des circonstances suspectes.
L’impunité, encore et toujours
Le processus vers la sanction et la réparation du crime de torture est parsemé d’obstacles souvent insurmontables. Certains tiennent à un manque de diligence des magistrats, d’autres à leur iniquité. Certains résultent d’un encombrement de la justice, d’autres des nombreuses entraves posées par les agents des forces de sécurité qui refusent de collaborer aux enquêtes et parfois menacent les victimes et les témoins. Il résulte de tout cela qu’à ce jour, aucune plainte n’a donné lieu à un procès satisfaisant fondé sur une enquête diligente.
Dans la très grande majorité des cas, si la victime a la chance d’obtenir l’ouverture d’une enquête, cette dernière ne se matérialise qu’à travers un ou deux actes suivis d’un abandon de facto.