Taoufik Elaïba : l’inexplicable oubli
Le 14 janvier, la Tunisie fêtera le cinquième anniversaire de la révolution. À cette occasion, le président de la République va, comme chaque année, gracier des prisonniers. Taoufik Elaïba, emprisonné depuis plus de six ans sur la base d’aveux forcés, doit impérativement en bénéficier.
Tuniso-canadien père de quatre enfants, Taoufik Elaïba a été arrêté le 1er septembre 2009, par la garde nationale de l’Aouina (banlieue de Tunis). Il a été torturé dans les locaux de la garde nationale pendant les six premiers jours de sa garde à vue, jusqu’à ce qu’il signe des aveux. Ses interrogateurs l’ont notamment passé à tabac à plusieurs reprises. Il a été électrocuté, aspergé d’eau chaude et froide, soumis au supplice de la falaqa, etc.
Onze jours après son arrestation, Taoufik Elaiba a été présenté devant un juge d’instruction auprès duquel il a dénoncé les tortures subies. Ce dernier n’a pas pris acte de ses allégations. Le 31 octobre 2011, il a été condamné à 22 ans d’emprisonnement pour trafic de voitures sur la base d’aveux obtenus sous la torture, peine réduite à sept ans en appel.
Après plusieurs plaintes pour torture déposées par ses avocats, une enquête a finalement été ouverte plus de 32 mois après ces sévices, pour finalement être de facto abandonnée deux mois plus tard.
C’est pourquoi en juin 2013, l’ACAT et son partenaire suisse TRIAL ont déposé une plainte devant le Comité contre la Torture de l’ONU.
Jusqu’à présent, malgré les nombreuses interpellations de l’ACAT et des autorités canadiennes, toutes les demandes de libération de Taoufik Elaïba sont restées lettres mortes. L’inaction des autorités tunisiennes est patente et incompréhensible.
Depuis mai 2015, l’ACAT a demandé à plusieurs reprises un rendez-vous à l’ambassade de Tunisie en France pour remettre des milliers de pétitions demandant la libération de Taoufik Elaïba. L’ambassade fait la sourde oreille.
Ne laissons pas Taoufik Elaïba tomber dans l’oubli. Restons mobilisés !
Contexte
La torture, un fléau persistant
Le cauchemar subi par Taoufik Elaïba est emblématique du phénomène tortionnaire tunisien qui perdure aujourd’hui encore. Des dizaines, voire des centaines de Tunisiens ont déjà été torturés dans le cadre de la lutte antiterroriste qui a repris début 2012. Des personnes sont aussi torturées lors d’actions de répression de manifestations, après avoir eu une altercation avec un policier ou encore en prison, après une dispute avec un gardien.
L’une des principales raisons de la survivance de la torture pendant la garde à vue réside dans le fait que le détenu est isolé, sans droit à l’assistance d’un avocat. Une autre raison est la persistance de l’impunité.
L’impunité, encore et toujours
La lenteur de la justice et le manque de diligence dont a fait preuve le juge ayant enquêté sur la torture subie par Taoufik Elaïba sont caractéristiques des nombreuses entraves à la lutte contre l’impunité. Les plaintes pour torture demeurent souvent sans suite. Si une enquête est finalement diligentée, elle l’est la plupart du temps tardivement, ce qui laisse aux traces de coups le temps de s’estomper. De plus, elle est généralement insuffisante et ne se matérialise qu’à travers deux ou trois actes d’enquête suivis d’un abandon de facto. Les victimes sont parfois harcelées par des policiers pour les forcer à retirer leur plainte et les agents mis en cause sont souvent protégés par leur hiérarchie.
Pour en savoir plus sur la torture et l’impunité en Tunisie