« Où est mon époux disparu depuis 7 ans ? »
24 janvier 2010. Prageeth Eknaligoda quitte son bureau au Lanka E-news, un site d’information sri lankais. Cet analyste politique et caricaturiste y publie des dessins particulièrement critiques du pouvoir répressif en place à l’époque. Nous sommes deux jours avant l’élection présidentielle. Prageeth est enlevé.
Sandhya dépose alors plainte. « Les policiers m’ont dit que les enlèvements étaient à la mode et que mon mari rentrerait vite à la maison », se souvient-elle, « ils m’ont demandé de rentrer et d’attendre. » L’ACAT est informée et se mobilise très vite (appel urgent de février 2010).
Malgré les nombreuses procédures nationales et internationales initiées par Sandhya et les appels internationaux, aucune mesure n’est prise par les autorités pour enquêter sur cette disparition. L'ACAT a enquêté sur les nombreux obstacles et entraves vécus par la famille Eknaligoda, dans son rapport paru en 2012 ,"Le règne de l'arbitraire, étude du péhonomène tortionnaire au Sri Lanka".
L’élection d’un nouveau président au Sri Lanka, en janvier 2015, marque un changement. Cinq ans après la disparition de Prageeth, une enquête est enfin ouverte. Elle révèle qu’il aurait été emmené dans un camp militaire dans le nord-est du pays et remis aux mains de l’armée. Plusieurs suspects, membres des renseignements militaires, ont été arrêtés, mais libérés sous caution à l’automne 2016.
Le 24 janvier prochain, le 7e anniversaire de la disparition de Prageeth sera commémoré. Où est Prageeth ? Sept ans plus tard, sa famille n’a toujours pas d’information et aucun responsable n’a été identifié ni poursuivi en justice. « Je continuerai à chercher des infos partout et tout le temps », s’exclame Sandhya.
Agissons pour la soutenir dans sa quête de vérité et de justice. Ecrivez au procureur général pour soutenir le combat de Sandhya!
Contexte
65 000 personnes auraient disparu, selon le gouvernement, pendant les 26 ans de conflit armé qui s’est terminé en 2009. Mais le phénomène a continué après la fin de la guerre. Des agents de l'État et des groupes paramilitaires alliés au gouvernement ont multiplié les enlèvements, à l’aide de camionnettes blanches, contre les personnes critiques à l'égard du gouvernement. Comme dans le cas de Prageeth Eknaligoda.
Un nouveau gouvernement élu en 2015 s’est engagé à faire toute la lumière sur les dizaines de milliers de disparitions forcées commises sous le gouvernement précédent. Une commission présidentielle a déjà enregistré plus de 20 000 cas.
Un changement notable est souligné par ceux qui cherchent leur proche : ils peuvent aujourd’hui mener leurs recherches sans craindre de persécution. « Il fut un temps où chercher son mari était un crime bien plus grave que l’enlèvement lui-même » témoigne ainsi une femme qui enquête sur la disparition de son époux depuis février 2009 alors qu’il travaillait dans une rizière.
Un bureau national des personnes disparues a été mis en place par le gouvernement afin de retrouver la trace de ces personnes, indemniser les proches et fournir des certificats d'absence aux familles. Cependant, aucune victime de disparition forcée n’a été retrouvée depuis deux ans, malgré des éléments de preuves probants dans certaines affaires. La longue quête des familles continue.