Risque d’alimentation forcée d’un prisonnier en détention administrative
Mohammed Allan, avocat palestinien âgé de 31 ans, en détention depuis plusieurs mois, a mené une grève de la faim pour dénoncer les conditions de détention dans les prisons israéliennes, avant de tomber dans le coma. Aujourd’hui, il encourt le risque d’être alimenté de force.
Mohammed Allan a été arrêté le 6 novembre 2014. Depuis, il est maintenu en détention administrative, sans inculpation, sur la base de « preuves » dont ni lui ni ses avocats n'ont eu connaissance. Il ne peut donc exercer aucun recours.
Il a entamé une grève de la faim le 16 juin 2015 pour dénoncer le régime de la détention administrative. En réaction, et parce qu’il refusait tout contrôle médical, les services pénitentiaires israéliens l’ont placé en isolement puis l’ont fait transféré dans 4 prisons différentes avant d’être transféré le 10 août au Centre Médical de Soroko àBeersheva.
Le Parlement israélien a adopté le 30 juillet une loi qui autorise les forces de l’ordre à recourir à l’alimentation forcée des prisonniers en grève de la faim. Le 7 août, les services pénitentiaires israéliens ont informé l’avocat de Mohammed Allan de leur intention de présenter une requête au tribunal de district israélien pour demander l'autorisation de le nourrir de force, au titre de la nouvelle législation. Le personnel médical de Soroko ayant refusé de l’alimenter de force, il a été transféré à l'unité des soins intensifs du centre médical Barzilai, à Ashkelon.
Mohammed Allan est tombé dans le coma le 14 août et a repris conscience 4 jours plus tard. Le lendemain, une IRM révélait de graves lésions cérébrales.
Le 20 aout, Mohammed Allan a mis un terme à sa grève de la faim, après que la Cour Suprême israélienne a ordonné la suspension de son ordre de détention administrative : «pour le moment, en raison de l’état de santé du gréviste de la faim, l’ordre de détention administrative n’est plus en vigueur». Elle a ordonné que l’ordre de détention ne soit annulé que si aucune amélioration n’était constatée au niveau des lésions neurologiques.
Le Procureur militaire a proposé la libération de Mohammed Allan à l’expiration de l’ordre de détention administrative en novembre et à la condition qu’il quitte le territoire pour une période de 4 ans. Mohammed Allan a refusé. Depuis, il est retombé dans le coma.
Les Palestiniens dans les prisons israéliennes
Les détenus palestiniens sont presque systématiquement transférés sur le territoire israélien, en violation du droit international. Il y a actuellement 5 750 Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes. Les conditions de détention des Palestiniens dans les prisons israéliennes sont extrêmement dures et impliquent un large éventail de violations du droit international humanitaire : torture, transferts de prisons à prisons, détention administrative, isolement, interdiction de visites, absence de traitements médicaux,...
La détention administrative, illégale au regard du droit international
Près de 400 Palestiniens se trouvent en détention administrative. La détention administrative permet à l’armée israélienne de détenir une personne pour une période de six mois, renouvelable de manière indéfinie. La personne en détention administrative est emprisonnée sans inculpation ni procès, sur la base d’informations « secrètes » qui ne sont accessibles ni au détenu, ni à son avocat, en violation du droit international.
L’adoption de la loi sur l’alimentation forcée
Le 30 juillet, le Parlement israélien a adopté une loi autorisant l’alimentation forcée des détenus (46 votes pour, 40 votes contre). Cette loi vise à empêcher les prisonniers palestiniens de se mettre en grève de la faim, seul moyen de contestation et de revendication dont ils disposent. Le Comité international de la croix-rouge (CICR) est opposé à l’alimentation forcée des détenus et souligne l’importance de respecter les choix et de préserver la dignité des détenus. L’Association Médicale Mondiale (AMM) s’est clairement prononcée contre cette pratique : « L'alimentation forcée n'est jamais acceptable. Même dans un but charitable, l'alimentation accompagnée de menaces, de coercition et avec recours à la force ou à l'immobilisation physique est une forme de traitement inhumain et dégradant.». Les Rapporteurs Spéciaux des Nations unies sur la torture et le droit à la santé ont vivement condamné l’adoption de la loi sur l’alimentation forcée et l’ont qualifié de pratique analogue à un traitement cruel inhumain et dégradant.
Dans les années 1970, les autorités israéliennes avaient autorisé l’alimentation de force des prisonniers en grève de la faim, avec pour conséquence la mort de plusieurs prisonniers ; Ali Al-Ja'fari, Rasem Abu Al-Halawa, and Ishaq Maragha.
Une centaine de prisonniers ont entamé une grève de la faim pour demander l’amélioration de leurs conditions de détention y compris l’accès à des soins médicaux, la fin des mises à l’isolement, la reprise des visites familiales, la fin des transferts arbitraires des prisonniers et du régime de la détention administrative.