Déjà 100 jours de détention arbitraire pour Maikoul, Halidou et Moundi !
Cela fait maintenant 100 jours que Maikoul Zodi, Halidou Mounkaila et Moundi Moussa, trois leaders de la société civile, croupissent en prison pour avoir eu l’audace de demander des comptes à propos de graves allégations de détournements de fonds au sein du ministère de la Défense rendues publiques en début d’année par un audit interne à ce ministère.
Le 15 mars 2020, une manifestation organisée à Niamey pour dénoncer cette affaire de corruption et réclamer justice est violemment réprimée par les autorités nigériennes au prétexte de restrictions liées à la pandémie du COVID-19. Trois personnes meurent dans un incendie dans des circonstances non encore élucidées et Halidou Mounkaila, Maikoul Zobi et Moundi Moussa sont arrêtés, respectivement le 15 mars pour le premier et le 16 mars pour les deux derniers. D’autres militants sont également arrêtés.
Maikoul Zodi – coordinateur national de Tournons la page (TLP) – Halidou Mounkaila – membre du syndicat des enseignants (SYNACEB) – Moundi Moussa – journaliste et membre de TLP – sont déboutés de leur demande de remise en liberté provisoire le 4 mai 2020. Les autres militants arrêtés bénéficient quant à eux de libérations définitives ou de remises en liberté provisoire.
Maikoul Zodi, Halidou Mounkaila et Moundi Moussa sont aujourd’hui poursuivis pour « organisation d’un rassemblement non autorisé et complicité dans la dégradation de biens publics, incendie volontaire et homicide involontaire ». On veut leur faire porter la responsabilité de cette tragédie en fabriquant de graves charges contre eux. Le prix pour n’avoir pas voulu se taire ?
Vous souhaitez vous mobiliser pour demander une libération provisoire de Maikoul,Halidou et Moundi :
- Téléchargez ce modèle de lettre, personnalisez-la avec vos coordonnées et adressez-la, par courriel, aux autorités nigériennes.
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CONTEXTE
Au Niger, où des élections présidentielles doivent se tenir en décembre 2020, le pouvoir en place tente de contrôler la liberté d‘expression sur les réseaux sociaux et dans la rue sous couvert de lutte contre la cybercriminalité et de lutte contre la pandémie COVID-19. Depuis le mois de mars 2020, les arrestations d’activistes se multiplient à l’encontre de ceux qui émettent des critiques vis-à-vis du pouvoir quel qu’en soit le sujet : corruption, violations des droits humains, lutte environnementale… Ce climat de rétrécissement de l’espace démocratique n’est pas nouveau au Niger, mais il semble se renforcer dans le contexte actuel de pandémie COVID-19. Quinze militants ont été arrêtés entre le 15 et le 17 mars 2020 à l’issue d’une manifestation violemment réprimée à Niamey le 15 mars. Plusieurs organisations de la société civile avaient appelé à manifester ce jour-là afin de pousser les autorités à donner une suite judiciaire à l’affaire de détournements de fonds publics au sein du ministère de la Défense. Révélé par la presse en février 2020, un audit interne du ministère de la Défense évoquait des soupçons de surfacturation et de fausses factures portant sur des centaines de millions d’euros d’achat de matériels militaires destinés à lutter contre le terrorisme entre 2011 et 2019. Plusieurs proches du président de la République et au moins deux anciens ministres de la Défense, membres du parti au pouvoir, seraient impliqués dans cette affaire. Après quatre jours de garde à vue, six des quinze militants ont été placés sous mandat de dépôt pour « participation à une manifestation non autorisée ». Trois ont depuis bénéficié de remise en liberté provisoire.
Dans le même temps, une dizaine d’autres personnes – dont des journalistes – ont été arrêtées entre mars et avril 2020 sous le coup de l’article 31 de la loi portant sur la cybercriminalité adoptée le 25 juin 2019. Cette loi, taillée sur mesure pour étouffer toute liberté d’expression des opposants au pouvoir, est régulièrement brandie par le procureur de la République. Dorénavant au Niger, quiconque ose « diffuser des données de nature à troubler l’ordre public » par le biais d’un système d’information (WhatsApp, Facebook, etc.) est passible d’une peine d’emprisonnement de 6 mois à 3 ans. Avec la dernière loi du 29 mai 2020 « portant sur l’interception de certaines communications émises par voie électronique au Niger », votée en période de crise sanitaire et en l’absence des députés de l’opposition, le pouvoir en place se donne des moyens supplémentaires pour étouffer les dernières voix critiques au sein de la société civile, et ce dans le silence le plus assourdissant de la communauté internationale. L’article 2 de cette loi énonce que « peuvent être autorisées […] les interceptions de communication émises par voie électronique ayant pour objet la recherche de renseignements suivants : atteinte à la sûreté de l’État ». Ainsi, après la notion fourre-tout de « trouble à l’ordre public », c’est désormais celle d’« atteinte à la sûreté de l’État » qui permet de parachever le contrôle absolu de l’Etat sur les échanges en ligne des citoyens au Niger.