Décès suspect aux mains de la police
Dimanche 18 septembre au matin. Les parents de Raviraj Kavichandran apprennent que leur fils est mort pendant la nuit à l’hôpital. Cet homme de 30 ans a été arrêté la veille par la police.
Les policiers indiquent qu’il s’est suicidé lors de sa garde à vue : retrouvé pendu avec sa chemise. La famille de Raviraj ne croit pas à cette version. Des proches ont assisté à son arrestation et témoignent de coups et de passages à tabac par les officiers. Son frère indique qu’il s’est rendu au poste et allègue avoir vu que des policiers le frappaient. La famille de Raviraj pense qu’il est mort des suites de traitements cruels voire de torture et que la police cherche à déguiser sa mort en suicide.
Le même jour, une foule importante se rassemble spontanément pour connaître la vérité sur le décès de Raviraj. Les manifestants dénoncent le risque de falsification du décès par la police. Face à cette réaction populaire, le siège de la police annonce dans la soirée que deux officiers en fonction la nuit de la mort de Raviraj sont suspendus pour défaut de supervision et que le responsable du poste de police et un agent sont transférés dans un autre poste de police. Le premier rapport d’autopsie mentionne le suicide comme cause probable du décès. Des analyses supplémentaires sont attendues.
Face à des actes de torture, et même des décès, dans les postes de police sri lankais, les enquêtes indépendantes demeurent extrêmement rares. La hiérarchie policière continue à protéger les responsables à tous les niveaux. Interférence dans l’enquête, dissimulation de preuves, falsification des rapports, pression, menace continuent à être utilisées pour protéger les tortionnaires au sein de l’institution.
Une enquête indépendante et impartiale doit être garantie pour établir les circonstances exactes du décès de Raviraj Kavichandran et adresser les éventuelles responsabilités.
Il est par ailleurs urgent que le gouvernement mette en place des réformes structurelles au sein de la police pour prévenir et réprimer le phénomène tortionnaire.
Vous pouvez agir! Cliquez sur ce lien pour télécharger cette lettre adressée à l'Inspecteur général de la police sri lankaise
Contexte
Une amélioration sans précédent des droits de l’homme...
Depuis 18 mois, le climat en matière de droits de l’homme s’est grandement amélioré dans le pays. Le gouvernement au pouvoir a lancé des réformes constitutionnelles et promis une meilleure protection des libertés individuelles.
Le Sri Lanka a signé la Convention internationale sur les disparitions forcées en décembre 2015. Il a reconnu la compétence du Comité de l’ONU contre la torture pour recevoir des plaintes de citoyens sri lankais. Le Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture a pu se rendre dans le pays en 2016. Plusieurs mesures législatives ont été adoptées et permettent de réinstaurer l’état de droit. La liberté d’expression est plus libre. Les médias et les sites internet ne sont plus bloqués ni censurés. Les défenseurs des droits de l’homme ont un dialogue direct avec le gouvernement.
...mais la pratique tortionnaire demeure courante
Face à cette évolution très positive, la prudence reste cependant de mise. Il n’y a toujours pas de mouvement politique vers de véritables réformes de fond, pourtant indispensables, pour adresser les causes systémiques de graves violations des droits de l’homme.
Des réformes structurelles de l’institution policière, de l’armée et du système judiciaire sont urgentes, notamment pour prévenir et réprimer la pratique de la torture.
Le Rapporteur spécial des Nations unies l’a rappelé à l’issue de sa visite dans le pays en mai 2016 : la torture demeure une pratique courante. Le nombre d’allégations de torture aurait diminué en comparaison à la période du conflit armé, mais il reste important. L’impunité demeure totale aussi bien pour des affaires passées qu’actuelles. Un certain nombre de normes toujours en vigueur encouragent le recours à la torture. Par exemple, la loi anti-terroriste qui permet de maintenir arbitrairement une personne en détention pour une période indéfinie sans aucun contrôle judiciaire.
Tant que de véritables réformes ne seront pas mises en œuvre, la pratique de la torture perdurera.