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Ce que non-violence veut dire

Troisième voie entre une action ou une réaction violente et la passivité, la non-violence suppose de lutter efficacement tout en respectant son adversaire. Mais pour bien en saisir le sens, il est important de définir ce qu’est la violence et ce que veut dire la refuser.
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Crédit : Flickr - Thomas Hawk
Le 06 / 08 / 2018

Choisir la non-violence, c’est dire non à la violence. Le terme est volontairement négatif. Quand Gandhi l’a utilisé en avril 1919 pour la première fois, il manifestait son refus des violences qu’avaient commises quelques-uns de ses partisans en réaction au massacre perpétré à Amritsar (Inde) par des soldats anglais contre des manifestants gandhiens pacifiques. Dire non à la violence, refuser d’utiliser des moyens violents, même quand il s’agit de réagir face à une agression, à une violence subie ou à une situation d’injustice, reste toujours aussi révolutionnaire qu’au temps de Gandhi.

La violence est un phénomène humain polymorphe qu’il est difficile de définir au premier abord. Mais on peut se référer utilement à la définition de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) : « La violence est l'utilisation intentionnelle de la force physique, de menaces à l’encontre des autres ou de soi-même, contre un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque fortement d'entraîner un traumatisme, des dommages psychologiques, des problèmes de développement ou un décès. » En plus de délimiter les contours de ce qu’est la violence, en excluant les phénomènes naturels destructeurs, en distinguant ses différentes natures et ses différents degrés, cette définition permet aussi de comprendre que la violence n’est pas l’utilisation de la force, mais plutôt l’utilisation de la force physique dans l’intention de nuire. Si cette précision doit être soulignée, c’est parce que la non-violence entend elle aussi utiliser la force et les rapports de force, sinon elle serait sans moyen et sans utilité. Mais elle les emploie sans intention de nuire à l’adversaire. Gandhi utilisait d’ailleurs le terme hindi de « satyagraha » pour définir son action, ce qui peut se traduire par « la force de la vérité ».

Changer les structures

Complétons cette définition de l’OMS en reprenant la distinction que Johan Galtung pose entre les violences individuelles ou personnelles, les violences structurelles et les violences culturelles. Pour cela, il utilise l’image de la mer ou des couches sédimentaires. La violence individuelle est celle qui est perpétrée par une personne donnée. Elle est la partie la plus visible de la violence, celle qui est immédiatement perceptible. Un peu comme la surface de la mer avec son écume. Mais pour comprendre cette violence il faut la relier à la violence structurelle qui, elle, n’est pas visible, ni accessible immédiatement. Ce sont les courants qui agitent la mer sous les vagues de surface. Ces violences structurelles émanent des structures politiques, sociales et économiques injustes qui organisent nos sociétés nationales et internationale. Ce sont ces violences qui sont principalement à l’origine des actions des individus.

Si l’on descend plus profondément encore, l’on rencontre les violences culturelles qui sont des courants plus forts encore. Ces violences culturelles justifient les violences structurelles et les enracinent dans des idéologies et des croyances. Si l’on prend l’exemple des violences domestiques, le père de famille qui bat ses enfants ou sa femme le fait parce que les structures politiques et socio-économiques lui laissent la possibilité de le faire (absence de lois répressives contre ces violences, absence de moyens de protection efficaces des victimes, absence de politique de prévention). Cette violence structurelle n’existe que parce que des éléments de culture la justifient : culture machiste et patriarcale qui considère que le mari a le droit de punir ses enfants et sa femme du fait de sa supériorité masculine. Cette culture machiste repose sur des représentations négatives de la femme et des enfants qui ont, par exemple, des sources religieuses ou archaïques liées au culte de la force physique.

On voit donc l’importance de développer une culture de non-violence pour pouvoir changer les structures d’oppression et d’injustice, tout en luttant contre les violences individuelles, et cela dans tous les pays. Le respect absolu de la personne humaine en toute circonstance est la pierre d’angle et l’étalon de cette culture de non-violence. Ce respect absolu doit être conçu comme intégrant le respect de l’environnement et la bienveillance envers tout ce qui vit, comme le demandait déjà Gandhi.

Par Christian Renoux, trésorier du Mouvement international pour la réconciliation (MIR)

3 questions à ... Pierre Dominique Tissot, membre de la commission Formation, sur le positionnement non-violent de l'ACAT Formation, sur le positionnement non-violent de l’ACAT.

Qu’est-ce qui a amené la commission Formation à monter une formation sur la non-violence ?

Pierre-Dominique Tissot : Cela fait plus de 25 ans que l’ACAT s’intéresse à la non-violence. En février 2008, l’ACAT a organisé une Rencontre nationale sur le thème « Quel avenir pour une stratégie non-violente en Asie ? ». Parmi les intervenants, il y avait Christian Renoux (voir ci-contre) du Mouvement international de la réconciliation (MIR), à qui nous avons proposé d’organiser une formation à la non-violence pour l’ACAT. « Banco ! » nous a t-il dit tout de suite. Six mois plus tard, nous étions 35 acatiens réunis à la communauté de l’Arche, à Saint-Antoine de l’Abbaye en Isère, pour cultiver l’esprit non-violent qui était en nous. Ensuite, Christian Renoux nous a autorisés à reprendre le contenu de sa formation pour l'adapter aux membres de l’ACAT qui souhaitaient se former.

Qu’apporte cette formation aux militants ?

P.D.T. : Elle permet une prise de conscience et, éventuellement, un changement d'attitude personnelle. En effet, avant d'aborder la non-violence, nous commençons par évoquer la violence. Cela peut interpeller les participants, mais pour la bannir encore faut-il être conscient de sa propre violence et c’est pourquoi nous les renvoyons à eux-mêmes. Nous regardons ensuite comment le mouvement non-violent s’est inscrit dans l’histoire, à partir d’exemples comme Gandhi, Martin Luther King ou Nelson Mandela. Cela nous permet de montrer concrètement ce qu’est l’engagement dans une non-violence active. Par ailleurs, nous distinguons la non-violence que je peux cultiver en tant qu’individu de la non-violence collective, qui permet à des personnes non-violentes de se réunir au sein de mouvements composés de centaines, voire de milliers d'autres militants.

Comment se situe l’ACAT par rapport aux mouvements de la non-violence ?

P.D.T. : Il est écrit dans nos statuts que nous suscitons « toute action sans violence pour l’abolition de la torture et des exécutions capitales ». Alors que « sans violence » fait référence à des actions individuelles (écrire une lettre, par exemple), la non-violence s’inscrit dans une démarche plus large. Les actions récentes que nous avons menées contre la prolifération des armes vont dans ce sens. Notre intérêt en tant qu’ONG est de nous opposer à la prolifération des violences car ce n’est pas comme cela que nous réglerons les conflits. De mon point de vue, régler un conflit de manière non-violente, c’est mettre les protagonistes les uns en face des autres, s’écouter, dialoguer et échanger. Nelson Mandela disait « pour faire la paix avec un ennemi, il faut coopérer avec lui, il devient alors un partenaire ».

Retrouvez la formation « Lutter avec la non-violence active » dans le catalogue de la commission Formation de l'ACAT


Article issu du Humains n°06

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