Égypte
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Arrestation d’un défenseur copte des droits humains

Le 23 novembre au matin, 7 policiers en civil ont arrêté Ramy Kamel, un défenseur copte connu pour dénoncer les discriminations et les violences que subissent les membres de la communauté copte.
Ramy_Kamel
Ramy Kamel (Twitter)
Le 06 / 12 / 2019

Dans un contexte de répression accrue contre toute opposition ou voix critique au régime, le défenseur des droits humains Ramy Kamel a été arrêté à son domicile par 7 policiers en civil, sans mandat d’arrêt. De nombreux documents de travail, ainsi que son téléphone, son ordinateur et son appareil photo ont également été saisis. Alors qu’il souffre d’asthme, il lui a été interdit de prendre son traitement médical avec lui. Amené puis interrogé, sans la présence de son avocat, durant toute la journée dans un lieu inconnu, il y aurait subi des actes de tortures et des mauvais traitements.

Il n’est réapparu que le lendemain devant le procureur de la sûreté de l’Etat qui a retenu comme charges la participation à un groupe terroriste et son financement, la réception de fonds étrangers, la diffusion de fausses informations et troubles à l’ordre public à travers l’usage de réseaux sociaux. Il a ensuite été transféré à la prison Tora, en détention provisoire pour 15 jours reconductibles. Depuis qu’il est emprisonné, il n’a pu recevoir la visite de sa famille et a passé plusieurs jours en interrogation avec un accès limité à son avocat.

Deux semaines environ avant son arrestation, Ramy Kamel avait déjà été convoqué par la sûreté de l’Etat dans le but de faire pression sur lui pour qu’il cesse ses activités. Depuis la révolution de 2011, Ramy s’est engagé dans la défense de l’identité et des droits de la communauté copte. Il était l’un des fondateurs de l’Union des Jeunes de Maspero, créée à la suite du massacre de Maspero, perpétré au Caire en Octobre 2011 par les forces de sécurité et l’armée contre des manifestants pacifiques principalement coptes. Ramy dénonçait également l’absence de réaction de la part de l’Etat voire sa complicité dans certaines situations. En avril dernier, il avait rédigé un rapport sur les discriminations que subissent les coptes depuis l’arrivée de al-Sissi au pouvoir. Selon le CIHRS[1], Il devait également participer au Forum sur les questions relatives aux minorités organisé par les Nations Unies à Genève les 28 et 29 novembre 2019.

 

Vous voulez soutenir Ramy Kamel ?

- Téléchargez ce modèle de lettre, personnalisez-la avec vos coordonnées et adressez-la au procureur général égyptien Hamada al-Sawy, à l'ambassadeur égyptien en France et au représentant permanent égyptien auprès des Nations unies à Genève.

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Contexte

Depuis la reprise du pouvoir par le régime militaire en 2013, l’Egypte connaît une dégradation extrêmement préoccupante en matière de droits humains. Pourtant, avec la Révolution du 25 janvier 2011, un espoir était né pour les Egyptiens rêvant d’un pays plus respectueux de la dignité humaine et de l’état de droit. Cependant, l’establishment militaire a toujours réussi à garder la main sur les affaires, empêchant ainsi tout pouvoir indépendant et démocratique de s’établir tout en utilisant habilement les failles et les erreurs des nouveaux dirigeants. La situation a définitivement basculé le 14 août 2013 lorsque les forces de sécurité, sous le commandement du Général Abdelfattah al-Sissi, massacrent les partisans du président Mohamed Morsi rassemblés sur les places de Rabaa et Ennahda au Caire, faisant entre 800 et 1000 morts selon différentes organisations de droits humains.

Très vite, al-Sissi s’impose comme l’homme fort de l’Egypte et réussit à se faire élire en 2014, puis à nouveau en 2018, remportant à chaque fois 97% des voix. De nouveaux amendements constitutionnels adoptés en avril dernier permettent à al-Sissi de rester au pouvoir jusqu’en 2030 tout en faisant de l’armée « la garante de la démocratie, de la Constitution et du caractère civil de l’État ». Cette modification entérine ainsi la possibilité pour l’armée d’intervenir à tout moment dans la vie politique, en s’opposant par exemple à des résultats électoraux qu’elle considérerait comme menaçant la démocratie, constitutionnalisant ainsi le coup d’état militaire.

Entre-temps, le régime s’est attaqué à toute opposition en commençant par les Frères musulmans, désignés comme groupe terroriste et dont est issu Mohamed Morsi – le premier président égyptien élu démocratiquement et récemment décédé en détention. Les autres mouvements politiques démocratiques, de gauche ou laïcs subissent également la répression. Les militaires s’en prennent aussi aux médias indépendants ainsi qu’aux activistes et défenseur·e·s des droits humains. Les autorités les accusent habituellement d’assistance à une organisation terroriste, d’appartenance à un groupe terroriste et de diffusion de fausses informations menaçant la sécurité de l’Etat.

En invoquant des liens supposés avec les Frères musulmans, le pouvoir poursuit ainsi des personnalités de la société civile, des défenseurs des droits humains et de membres de mouvements politiques laïcs ou de gauche devant des tribunaux spéciaux dit de la Sûreté de l’Etat, qui traitent des affaires terroristes. Parallèlement, la menace terroriste ne diminue pas et le régime y répond par toujours plus de répression : arrestations arbitraires, recours à la torture, procès inéquitables, condamnations à morts et exécutions, disparitions forcées et exécutions extra-judiciaires deviennent courants voire systématiques, entraînant encore plus de radicalisation.

Après la vague d’arrestations de juin dernier dans le cadre de l’affaire dite de l’Espoir, l’Egypte a connu des manifestations inédites les 20 et 21 septembre 2019. Le régime a réagi par une campagne d’arrestations massives sans précédent, entre 2500 et 4000 personnes arrêtées selon différentes sources. Parmi elles, on compte de nombreuses figures de l’opposition, des militants politiques ainsi que des avocats et des défenseurs des droits humains comme Mohamed Elbaker. Ces manifestations font suite à plusieurs vidéos d’un certain Mohamed Ali, un homme d’affaire égyptien exilé en Espagne qui accuse le Président al-Sissi et ses proches ainsi que l’armée de corruption et de gabegie. Ces révélations, bien que difficiles à vérifier, interviennent dans un contexte économique difficile pour des millions d’Egyptiens qui subissent de plein fouet les mesures d’austérité imposées depuis 2016 alors que l’armée s’impose plus que jamais comme l’acteur économique dominant. Des défenseur·e·s, des activistes comme des journalistes continuent d’être régulièrement arrêté·e·s, comme Ramy Kamel ou de voir leur détention provisoire reconduite comme Ramy Shaath ou Mohamed Elbaker.

 


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