Lettre ouverte : libérez les blogueurs vietnamiens détenus durant la pandémie !
10 juin 2020
À :
- Elisabeth Tichy-Fisslberger, présidente du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies
- David Sassoli, président du Parlement européen
Copie :
- Mary Lawlor, Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’homme
- David Kaye, Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté d’opinion et d’expression
- Maria Arena, présidente de la Sous-commission des Droits de l’Homme du Parlement Européen
Alors que le monde est concentré sur la lutte contre la pandémie de COVID-19 au cours des dernières semaines, le gouvernement vietnamien a intensifié la répression de la liberté d’information et de parole en continuant à emprisonner des journalistes indépendants. Après avoir arrêté le journaliste indépendant Pham Chi Dung en novembre 2019, les autorités vietnamiennes ont arrêté trois autres blogueurs bien connus au cours des derniers mois: M. Tran Duc Thach (23 avril 2020), M. Pham Chi Thanh (21 mai 2020) et M. Nguyen Tuong Thuy (23 mai 2020).
Pham Chi Dung est le fondateur de l’Association des Journalistes Indépendants (IJAVN) du Vietnam et en a été le président jusqu’à sa récente arrestation. Dung a été accusé d’avoir violé l’article 117 du code pénal de 2015 (fabrication, stockage et diffusion d’informations et de matériel anti-étatiques). Cette accusation est souvent utilisée pour étouffer les voix dissidentes. M. Dung a été arrêté après avoir demandé au Parlement européen de ne pas ratifier l’accord de libre-échange UE-Vietnam (EVFTA) en raison du piètre bilan de son pays en matière de droits de l’homme. Après six mois de détention, il n’a pas encore été jugé.
Nguyen Tuong Thuy est devenu président de l’IJAVN après l’arrestation de Pham Chi Dung. En 2014, Nguyen Tuong Thuy a parlé de la liberté de la presse au Vietnam lors d’un briefing du Congrès américain à Washington, DC.
Tran Duc Thach est un écrivain qui a déjà passé trois ans en prison, de 2008 à 2011. Il est membre de la Fraternité pour la Démocratie, une organisation de défense des droits humains sévèrement réprimée et ciblée par le gouvernement vietnamien depuis de nombreuses années.
Pham Chi Thanh est un écrivain de renom, connu pour son blog Bà Đầm Xòe [Statue de la liberté]. En 2019, Thanh a publié un livre critiquant le gouvernement vietnamien et le secrétaire général du Parti communiste vietnamien, Nguyen Phu Trong. En particulier, Pham Chi Thanh a critiqué les concessions que les autorités vietnamiennes ont faites avec la Chine et il a mis en lumière les conflits internes au sein du Parti communiste vietnamien.
Lors d’une session d’examen périodique universel (EPU) début 2019, le représentant vietnamien a expliqué aux Nations Unies que le Vietnam n’a pas de prisonniers d’opinion et que les droits de l’homme sont respectés et promus. Avec la récente détention de ces journalistes, nous exhortons le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à exiger que le Vietnam agisse conformément à ses déclarations et à libérer tous les défenseurs des droits humains détenus.
En outre, le gouvernement vietnamien a fait de nombreuses promesses à l’Union européenne qu’il défendrait les droits de l’homme en échange de l’approbation de l’accord commercial EVFTA. Mais la récente vague de répression montre que ces déclarations n’étaient pas sincères.
Quelques mois seulement après la fin de l’EVFTA, au milieu d’une pandémie, le gouvernement vietnamien sévissait toujours contre les blogueurs et les écrivains. Les autorités vietnamiennes n’ont pas respecté leur accord avec l’UE, notamment en adhérant à la convention n ° 87 de l’OIT (liberté de former des syndicats) et en créant des groupes d’observation pour l’accord EVFTA.
Avant le 13e congrès du parti en janvier 2021, le gouvernement vietnamien s’active à faire taire les critiques. Il s’agit d’une pratique courante qui existe depuis plusieurs décennies. Le gouvernement vietnamien doit mettre fin à cette «tradition» et libérer tous les prisonniers d’opinion, les journalistes indépendants et abolir les lois à la formulation vague qui sont couramment utilisées contre eux, comme l’article 109 (tentative de renversement de l’État) et l’article 117 (propagande contre l’État) du code pénal.
Nous, les organisations de la société civile ci-dessous, appelons :
- Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies de demander au gouvernement vietnamien de laisser les rapporteurs spéciaux des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’homme et sur l’opinion et l’expression puissent mener une mission d’enquête au Vietnam, pour rencontrer des blogueurs et des défenseurs des droits humains sur le terrain.
- Le Parlement européen à organiser une audition publique sur la situation des droits de l’homme au Vietnam, avec des témoins venus du Vietnam, dès que la restriction de voyage pandémique sera levée.
- Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies et le Parlement européen à demander au gouvernement vietnamien de respecter les engagements qu’il a promis, tels que la libération immédiate des journalistes indépendants susmentionnés ainsi que de tous les autres prisonniers d’opinion actuellement détenus, dont Tran Huynh Duy Thuc, Le Dinh Luong, Nguyen Trung Ton, Chau Van Kham, Truong Duy Nhat, Nguyen Nang Tinh, Nguyen Van Oai, Pham Van Troi and Truong Minh Duc. En tant que membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, le Vietnam doit donner l’exemple et agir conformément aux lois et normes internationales.
Signataires :
- ACAT France
- ACAT Allemagne
- ARTICLE 19
- Association Bau Bi Tuong Than
- Association des Journalistes Indépendants du Vietnam (IJAVN)
- Club des Journalistes Libres
- Comité Suisse-Vietnam (COSUNAM)
- Destination Justice
- Fraternité pour la Démocratie
- English PEN
- PEN America
- PEN International
- Reporters Sans Frontières (RSF)
- Safeguard Defenders
- Viet Tan
- Watchdogs Unleashed
Retrouvez la lettre ouverte en français, anglais et vietnamien.