Jia Jinglong, dernier jour d’un condamné à mort
Mise à jour (15/11/2016)
Ce mardi 15 novembre 2016 au matin, un homme de 29 ans a été exécuté en Chine. Il s’appelait Jia Jinglong.
Malgré tous les appels à la clémence lancés en Chine et à l’étranger, les autorités sont restées sourdes et l’ont mis à mort. L’ACAT déplore cette exécution. La peine de mort est la négation absolue des droits humains. C’est le meurtre d’un être humain commis avec préméditation et de sang-froid, au nom de la justice. Elle viole le droit à la vie inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH). Il s’agit du châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit.
L’histoire de ce jeune fermier est devenue un symbole d’injustice en Chine et a déclenché une vague de soutien citoyen très important. Il avait reconnu avoir tué par vengeance le chef de son village en février 2015, qui avait ordonné la destruction illégale de sa maison à la veille de son mariage. La fiancée de Jia Jinglong avait alors annulé la cérémonie.
L’ensemble de la communauté juridique l’a soutenu dénonçant les dysfonctionnements du système judiciaire et appelant à la clémence. Sa condamnation à mort a déclenché une vague de protestations considérable. Fait extrêmement rare, même un media officiel contrôlé par l’État s’est exprimé en sa faveur. Le China Daily avait appelé les autorités à stopper l’exécution : « Jia n’aurait pas agi ainsi si son préjudice avait été correctement traité […] Nous supplions le tribunal de faire preuve de compréhension afin d’éviter une double tragédie »
Toutes ces demandes se sont cependant heurtées à la surdité des autorités. Selon une dépêche de Xinhua, l’agence de presse officielle du Parti communiste chinois, Jia Jinglong a été exécuté le 15 novembre au matin dans la ville de Shijiazhuang après qu’un tribunal local a approuvé l’application de la peine. Xinhua indique que Jia Jinglong aurait été autorisé à voir sa famille avant d’être exécuté.
Merci à tous ceux qui ont agi en écrivant aux autorités chinoises!
Appel urgent diffusé par l'ACAT le 9 novembre 2016
Jia Jinglong risque d'être exécuté à tout moment. Aujourd’hui? Demain ? Agissons immédiatement pour empêcher son exécution!
Cet homme de 29 ans avait choisi d’emménager dans la demeure familiale avec sa fiancée. Il avait longuement rénové la maison. Le mariage était prévu pour le 25 mai 2013. Mais le chef du village donna l’ordre de la détruire quelques semaines avant. Déterminé à garder sa maison, Jia Jinglong se percha sur le toit. Son père fut alors séquestré et deux de ses cousins passés à tabac, avant que lui-même ne soit soumis à des coups. Mais sa maison fut finalement rasée et sa fiancée renonça au mariage. Jia Jinglong multiplia les recours et demanda une compensation mais se heurta constamment à un mur.
En réaction à ce qu'il considérait comme une injustice, le 19 février 2015, Jia Jinglong tua le chef du village avant de se rendre à la police.
Il fut condamné à mort. L’avocat de la famille raconte que le procès n’a été qu’une « formalité ». Il estime qu’« aucun pays dans le monde ne devrait pouvoir aussi vite décider d’une condamnation à mort ».
Le 31 août dernier, la Cour populaire suprême a confirmé cette sentence, avec exécution immédiate, mais l’avocat et la famille de Jia Jinglong n'ont été informés de cette décision que le 18 octobre. L’avocat travaille d’arrache-pied pour former un recours ultime : « Je n’ai pu intervenir sur le dossier que depuis le 18 octobre, c’est bien trop tard, mes prérogatives en tant qu’avocat n’ont pas du tout été garanties ».
Jia Jinglong peut dorénavant être exécuté à tout moment.
Contexte
La Chine demeure le pays où ont lieu le plus grand nombre d’exécutions. Même si aucun chiffre n’est disponible— ce type de statistiques y est classé secret d’État – il est estimé que des milliers de personnes y sont toujours mises à mort chaque année.
Des éléments donnent néanmoins à penser que, depuis que la Cour populaire suprême a commencé à examiner les condamnations à la peine de mort en 2007, ce chiffre est en baisse.
La Chine ne dispose actuellement pas d'un mécanisme de grâce ou de commutation de peine, pourtant requis par le droit international.
Jia Jinglong s'est de lui-même livré à la police, ce qui entraîne généralement une peine capitale assortie d'un « sursis de deux ans », au lieu d'une peine capitale avec exécution immédiate. Les peines capitales assorties d'un sursis de deux ans sont généralement commuées en peines d'emprisonnement au bout de deux ans de bonne conduite.
Le cas de Jia Jinglong a fortement ému l’opinion publique chinoise, et au-delà, la communauté de juristes et d’avocats du pays. Les démolitions forcées en Chine sont courantes. De nombreux propriétaires s’y opposent et maintes fois ces histoires ont un dénouement tragique. Beaucoup de Chinois se reconnaissent en Jia Jinglong. Sa triste aventure résonne actuellement dans tout le pays. Fait rare, même des medias officiels (et donc rattaché au pouvoir) ont pris position pour s’opposer à l’application de la peine capitale dans cette affaire.