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Maroc
Appel à mobilisation

Le défenseur Rida Benotmane condamné à trois ans de prison ferme

Arrêté le 9 septembre 2022 à la suite de contenus postés sur les réseaux sociaux en 2021, le défenseur des droits humains Rida Benotmane a été condamné à trois ans de prison ferme le 9 novembre dernier.
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Mobilisons-nous pour demander sa libération !

Qui est Rida Benotmane ?

Deux mois seulement après son arrestation, Rida Benotmane, journaliste et défenseur des droits humains – également membre de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) – a été condamné pour avoir exprimé pacifiquement son opinion sur les réseaux sociaux en août et septembre 2021. Lors de son interrogatoire, la police l’avait questionné sur deux vidéos publiées en août 2021 sur la plateforme de vidéos YouTube dans lesquelles il dénonçait le fait que les revendications de la population en matière de justice sociale ne sont pas prises en compte et alertait sur la possible utilisation du pass vaccinal contre le Covid-19 comme outil de répression. La police lui reprochait aussi un message publié sur Facebook en septembre 2021 dans lequel il appelait à manifester contre les atteintes commises par les forces de sécurité contre les droits humains. De nombreux éléments portant sur son arrestation, son procès et sa détention indiquent le caractère arbitraire de cette détention et révèle l’acharnement judiciaire que subit Rida Benotmane, déjà arbitrairement détenu entre 2007 et 2011. Selon le Comité national de soutien aux prisonniers d’opinion et aux victimes de violations de la liberté d’expression, l’arrestation aurait été effectuée en l’absence de base légale valable et son procès se serait tenu de manière inéquitable (absence du prévenu à plusieurs moments de la procédure, impossibilité pour la défense d’accéder au dossier de l’accusation…). 

Ses conditions de détention sont également difficiles puisqu’il est détenu à l’isolement à la prison El Arjat 1 dans une petite cellule froide et humide, tandis qu’il n’a droit à une douche qu’une fois par semaine. Il n’a la possibilité de sortir qu’une heure et demie par jour dans un petit espace ouvert. Cette pratique de l’isolement cellulaire est cependant strictement encadrée par les « Règles Mandela » et ne doit être utilisée qu’en dernier ressort et pour une durée maximale de 15 jours.  L’isolement cellulaire à durée indéterminée tel que le connaît Rida Benotmane est interdit car assimilable à un traitement cruel, inhumain ou dégradant voire à un acte de torture, selon les circonstances. Toujours sous surveillance, il ne peut recevoir des visites de sa famille qu’une fois toutes les deux semaines à travers une vitre et téléphoner qu’une seule fois par semaine pendant 15 minutes.

Contexte

Ce n’est pas la première fois que Rida est emprisonné pour avoir pacifiquement exprimé son opinion sur internet. Alors militant politique, il avait été emprisonné en 2007 pendant quatre ans pour avoir révélé la localisation du centre secret de détention de Temara, géré par les Direction de Surveillance du Territoire (DST), le service de renseignement intérieur du Maroc. Ce lieu est particulièrement connu pour de graves violations des droits humains commises à l’encontre d’individus détenus et interrogés en raison de leur participation supposée à des activités liées au terrorisme. Des détention et interrogatoires pratiqués en dehors du cadre juridique marocain puisque la DST n’a pas la qualité de police judicaire. Libéré en janvier 2011, juste au moment du printemps arabe, il s’engage dans le mouvement populaire du 20 février. Il rejoint plusieurs initiatives et organisations de défense des droits humains, comme l’AMDH, et en tant que journaliste pour suivre la situation des droits humains au Maroc, notamment au sein du site indépendant d’information Lakome. Il devient également docteur en droit, avec une thèse portant sur les libertés individuelles et le numérique. En août 2013, il est attaqué à la tête au durant une manifestation occasionnant sept points de suture et des maux de tête à répétition depuis. Sous pression de la police, le médecin de service ne lui délivre pas de certificat médical et aucune enquête n’a jamais été ouverte sur son agression.

Son arrestation et sa détention intervient dans un contexte d’une nouvelle vague de répression envers les défenseurs des droits humains et opposants politiques. Le 21 novembre dernier, l’avocat Mohamed Ziane, avocat, ancien bâtonnier du barreau de Rabat et ancien ministre des Droits de l’homme, a été arrêté et incarcéré après avoir été condamné en appel à trois ans de prison ferme. Il s’était fait connaitre pour ses déclarations critiques du pouvoir et du fonctionnement des services de renseignement marocains. Une autre défenseure des droits humains, Saida El-Alami, a été condamnée en septembre 2022 à trois ans de prison pour avoir dénoncé les mauvais traitements qu’elle avait subi. Le même mois, un blogueur, Rabie El-Ablaq, était condamné à quatre ans de prison pour avoir critiqué le Roi sur les réseaux sociaux.

Après un semblant d’ouverture à la suite du mouvement du 20 février, le tournant sécuritaire s’est fait sentir avec la répression des mouvements populaires du Rif en 2016 et de Jerrada en 2017-2018, qui appelait à une plus grande justice sociale. Entre temps, les médias indépendants sont fermés et muselés, tandis que la presse aux ordres du pouvoir comme Chouf TV, Barlamane ou Le 360, mène une campagne de dénigrements et de diffamation envers les défenseurs des droits humains, les opposants politiques et autres militants pro‑démocratie. À partir de 2018-2019, le régime marocain cible les journalistes indépendants, comme Omar Radi et Souleyman Raïssouni, en les inculpant dans des affaires de mœurs, une stratégie couramment utilisée par le pouvoir pour humilier, diffamer et décrédibiliser les opposants et défenseurs des droits. Dans d’autres cas, on invoque contre eux des affaires financières comme ce fut le cas pour Maati Monjib, une des figures majeures dans le combat pour des droits humains et la démocratie au Maroc. Ce traitement est généralement réservé aux personnalités les plus connues, tandis que beaucoup d’autres militants, blogueurs, youtubeurs et défenseurs des droits humains sont poursuivis et emprisonnés sous le coup de dispositions plus classiques comme l’atteinte au Roi, outrage à des corps constitués, diffusion et propagande de fausses allégations…

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