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Répondre autrement à la migration, c’est possible

La migration est le propre de l’homme. Pourtant, les gouvernements l’appréhendent seulement comme une menace et ne lui donnent qu’une réponse sécuritaire, stérile. Heureusement, des initiatives convergent pour défendre l’évidence : la migration est un droit et une source de richesse
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La migration est le propre de l’homme. Pourtant, les gouvernements l’appréhendent seulement comme une menace et ne lui donnent qu’une réponse sécuritaire, stérile. Heureusement, des initiatives convergent pour défendre l’évidence : la migration est un droit et une source de richesse. On peut et doit traiter les migrants autrement.

L’humanité s’est forgée grâce aux mouvements de populations qui ont à un moment donné fait le choix de se déplacer, d’entreprendre un voyage, de changer de lieu de vie. La fin des grands blocs (coloniaux, ou de la guerre froide) et le bond technologique des XXème et XXIème siècles (moyens de transports, de communication) ont donné un essor sans précédent aux phénomènes migratoires. 

Le pari perdant-perdant-perdant :

Si les gouvernements appréhendent le phénomène migratoire de manière globale, c’est dans une logique exclusivement réductrice et sécuritaire. La migration est traitée comme une menace, comme un coût. Plus techniquement elle est perçue comme une tentative d’entrée indue sur le territoire d’un autre état, qui doit dès lors être prévenue, contrôlée, sanctionnée. D’où des systèmes de visas, de passeports et de reconduite à la frontière. Lorsque des Etats réussissent à penser ensemble la migration et à créer des espaces de libre circulation, comme c’est le cas de l’Espace Schengen, c’est pour mieux se barricader contre les « autres », pour créer un « entre soi » européen, essentiellement fermé aux migrants venus d’autres continents. Ensemble, les gouvernements européens ont su penser Dublin, et négocier  des accords de réadmission avec des pays tiers, (qui permettent de renvoyer plus facilement des migrants dans ces pays, même si les migrants en question n’en ont pas la nationalité et sans avoir ce qu’ils deviendront ensuite). S’ils ont mutualisé leurs efforts, c’est pour mieux garder leurs frontières externes, avec l’agence Frontex, pour organiser des vols charter communs (France et Allemagne, entre autres) pour éloigner les migrants indésirables. Cette logique est stérile. Elle conduit à des situations aussi absurdes et révoltantes que les « jungles » de Calais, où les migrants sont à la fois parqués et chassés par les pouvoirs publics, parfois dans des conditions humanitaires pires que celles des camps de Syrie. C’est cette obstination à voir les migrants comme une menace plutôt que comme des frères humains, riches de leur différence, qui conduit l’Europe à laisser mourir des milliers d’innocents en méditerranée. Tous y perdent : les migrants dont les droits sont bafoués, les citoyens, témoins de cette violence, ou qui se replient un peu plus chaque jour dans l’intolérance, et les gouvernements aussi. Ces derniers n’y gagnent rien, sinon peut être un instant de popularité peu reluisante.

Le pari gagnant-gagnant-gagnant :

Heureusement, au niveau local ou national, un peu partout dans le monde, des dirigeants font le pari de l’humanisme. Des initiatives convergent et des voix s’élèvent, pour rappeler l’évidence : la migration est un droit, elle est une source de richesse, elle est fertile en soi. Elles misent sur des politiques d’ouvertures à la migration, d’intégration des nouveaux-venus dans leurs politiques locales, avec des approches participatives.

En France, il y a tout de même beaucoup de citoyens -et certains élus- volontaires. Le maire de Grand-Synthe, dans le Nord Pas-de-Calais, est l’un d’eux. Il a eu le courage d’ouvrir sa commune aux migrants, plutôt que de fermer les yeux sur leur errance et leurs conditions de vie particulièrement dures en hiver, en mettant à leur disposition des espaces chauffés où dormir, se doucher, recharger son téléphone portable (geste vital !). Ces installations, à l’époque temporaires et nées d’un élan spontanée, se sont  pérennisées, permettant à plusieurs centaines de migrants du Calaisis de retrouver chaque année un peu d’humanité et de dignité. Cette ouverture de la ville aux migrants n’était pas tout à fait interdite, mais pas tout à fait permise non plus par les pouvoirs publics centraux. Mais si un nombre croissant de municipalités imite celle de Grande-Synthe, leur influence fera peut être réfléchir le ministère de l’Intérieur et ses préfets…

Rogiero Sottili est secrétaire adjoint aux droits de l’homme de la ville de Sao Paulo, au Brésil. Avec Paolo Illes, coordinateur des politiques migratoires de la ville, il a développé depuis 2013 une politique innovante envers les migrants. C’est un pari « gagnant-gagnant-gagnant », c’est à dire gagnant pour les migrants, pour les habitants de la ville, et pour les gouvernants aussi. Avec les habitants, et par un travail transversal de tous les secrétariats de la mairie Ville-Etat de 29 millions d’habitants, les migrants sont avant tout traités comme des sujets de droit et leur apport est considéré en premier lieu comme une ressource supplémentaire (et non comme un cout) pour la communauté. Cela passe par des programmes d’éducation aux droits de l’homme dans les quartiers, par des « maisons de l’étranger » centres municipaux pour l’accès au droit des migrants habitant dans la ville, où tout le monde est le bienvenu, par des cours de langues, indispensables pour l’accès au droit et l’intégration, autant que par des initiatives culturelles qui promeuvent la richesse de l’apport culturel des derniers arrivés.

En Argentine, le parlement vient de voter en 2014 la loi n°25.871 sur les migrations. Une loi sans précédent qui proclame que « le droit d’une personne à la migration est inaliénable et doit être garanti par la république argentine sur la base des principes d’égalité et d’universalité ». L’Argentine abolit les différences de traitement entre nationaux et immigrés. L’article 6 de la loi impose à « l’Etat, dans toutes ses ramifications, d’assurer, dans les mêmes conditions que celles dont jouissent les nationaux, l’accès égalitaire aux immigrés et à leurs familles aux protections, bénéfices et droits en particulier en ce qui concerne les services sociaux, les biens publics, la santé, l’éducation, la justice, le travail, l’emploi et la sécurité sociale ». Une conception novatrice de la responsabilité qui pèse sur l’état de faire respecter les droits de tous sans distinction, et donc des migrants, sujets de droit de l’homme avant tout autre chose. Cette conception est portée par de nombreuses communautés locales qui tissent petit à petit un réseau « alternatif », à l’échelle de l’Amérique latine.

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