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En Guinée, la banalité de la torture

Force est de constater que malgré une volonté affichée des autorités guinéennes de mettre un terme à la torture, les faits divers rappellent que torture et mauvais traitements restent une réalité largement ancrée dans les habitudes des forces de l’ordre.
Abo29 couv

L’usage de la torture est routinier dans les affaires de droits commun, dans la répression de manifestations -spécialement en période électorale- ou dans les affaires d’atteinte à la sûreté de l’État. Pour les tortionnaires l’impunité est systématique hormis dans quelques affaires médiatisées.

Des réformes en trompe l’œil ?

Dans une volonté affichée de protection des droits de l’homme, la Guinée a adopté, en juillet 2016 un nouveau code pénal qui enfin, abolit la peine de mort, définit et criminalise la torture et permet d’en sanctionner les auteurs. Ces avancées politiques et juridiques réclamées par  l’ACAT[1] sont certes déterminantes mais néanmoins fragiles et imparfaites.

Dorénavant, la torture est passible de peines allant de l’équivalent d’environ 60€ d’amende, à vingt ans d’emprisonnement. Toutefois, plusieurs méthodes de torture (viols, décharges électriques, brûlures, positions douloureuses, privations sensorielles, simulacres d’exécution et de noyade) sont classés dans la catégorie des traitements « inhumains et cruels », pour lesquels, étrangement, aucune sanction n’est spécifiée dans la loi. Il est, du coup, permis de douter de la réelle avancée en matière de lutte contre la torture.

La question de la mise en œuvre concrète de ce code pénal se pose également, face au délabrement des infrastructures judiciaires et pénitentiaires. Tant que l’on restera dans un système où l’aveu est la reine de preuves, où les forces de l’ordre ne sont formées ni aux techniques d’enquête, ni à la déontologie, la contrainte et la violence resteront utilisées pour faire parler un suspect ou une personne arrêtée afin d’obtenir ses aveux…

Il est temps pour les autorités d’entreprendre une véritable politique de tolérance zéro à l’égard des tortionnaires, de ne pas en rester à la volonté affichée, à quelques cas médiatisés.  Il est primordial que la justice aille jusqu’au bout dans les cas de plaintes pour torture, que les différents ministères de la défense, de la sécurité et de l’intérieur coopèrent avec la justice.


L'ACAT agit. Un programme de quatre ans

Interview de Clément Boursin, responsable des programmes Afrique.

C’est un travail de longue haleine. Il a démarré en 2013. Au départ nous avons voulu travailler avec des organisations de défense des droits de l’homme guinéennes sur la définition de la torture selon le droit international. Comment distinguer ce qui relève de la torture et ce qui relève des traitements inhumains et dégradants ? Comment peut-on prouver qu’une personne a été torturée ? Avec notre partenaire la ligue des droits de l’homme, nous avons poursuivi notre accompagnement sur la façon de rédiger un rapport d’enquête, un argumentaire… Nos partenaires guinéens ont mis cela en application. Nous avons ensuite collaboré avec un consultant pour synthétiser leurs différents travaux et aboutir à un rapport qui sera publié fin juin 2017 en Guinée.

La torture est encore utilisée régulièrement en Guinée. Ce qui est important dans ce rapport, c’est de montrer que les violations ne sont pas commises uniquement à Conakry, la capitale, mais également à l’intérieur du pays. Le but de notre travail est d’aider des ONG de l’intérieur du pays à savoir documenter des violations des droits de l’homme et plus particulièrement la torture et les mauvais traitements.

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