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Condamnations iniques de militants pro-démocratie

Les autorités guinéennes se sont engagées dans une logique de répression à l’endroit du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC). Plusieurs de ses leaders et militants ont été arrêtés arbitrairement début octobre 2019. Au moins sept d’entre eux ont été condamnés à des peines de prison ferme. Objectif visé : faire taire ce mouvement qui mobilise les Guinéens contre le projet de nouvelle constitution visant à permettre au président Alpha Condé de pouvoir se maintenir en poste après ses deux mandats présidentiels consécutifs.
FNDC

 

Les autorités guinéennes se sont engagées dans une logique de répression à l’endroit du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC). Plusieurs de ses leaders et militants ont été arrêtés arbitrairement début octobre 2019. Au moins sept d’entre eux ont été condamnés à des peines de prison ferme. Objectif visé : faire taire ce mouvement qui mobilise les Guinéens contre le projet de nouvelle constitution visant à permettre au président Alpha Condé de pouvoir se maintenir en poste après ses deux mandats présidentiels consécutifs.

 

Le 12 octobre, deux jours avant les manifestations prévues par le FNDC, des éléments des forces de l’ordre, cagoulés et armés, ont arrêté à Conakry sept membres de la direction du FNDC – Abdourahamane Sanoh, coordinateur de ce mouvement, Abdoulaye Oumou Sow, secrétaire général de l’Association des blogueurs de Guinée (ABLOGUI), Sékou Koundouno, administrateur général du mouvement Balai citoyen, Mamadou Bobo Bah, membre du Balai citoyen, Mamadou Baïlo Barry, membre de l’association Destin en main, Alpha Soumah, chanteur connu sous le nom de « Bill de Sam »,Ibrahima Diallo, le coordonnateur de Tournons la page (TLP) – alors qu’ils étaient réunis au domicile de M. Sanoh. Ils devaient alors rejoindre la Maison de la presse pour une conférence de presse expliquant les modalités des manifestations prévues le 14 octobre. Dans les heures qui ont suivi, Mamadou Sanoh, le frère d’Abdourahamane Sanoh, a été arrêté alors qu’il était à leur recherche dans différents centres de détention. Le lendemain, le procureur du tribunal de Dixinn a accusé le FNDC de « graves déclarations portant atteinte à la sécurité publique » et a annoncé qu’une procédure juridique était engagée afin d’« arrêter quiconque ayant commis des actes ou entrepris des manœuvres visant à compromettre la sécurité publique ou aboutissant à de graves troubles de l’ordre public ». Le 13 octobre, d’autres militants du FNDC ont été arrêtés à Conakry (Aly Badra Cheickna Koné, secrétaire national de la jeunesse de l’Union des forces républicaines, UFR, Elie Kamano, artiste-activiste), et dans d’autres villes, notamment à Guéckedou (Moussa Barry, secrétaire administratif du FNDC).

 

Le 22 octobre, après une procédure judiciaire extrêmement rapide, le tribunal de première instance de Dixinn a condamné Abdourahamane Sanoh à un an de prison ferme pour « provocation directe à un attroupement par des écrits et des déclarations ». Alpha Soumah, Ibrahima Diallo, Sékou Koundouno et Mamadou Baïlo Barry ont été condamnés à six mois de prison ferme. Tandis que Mamadou Bobo Bah, Mamadou Sanoh et Abdoulaye Oumou Sow, ont été déclarés « non coupables ». À l’annonce du verdict, les personnes dans la salle d’audience se sont mis à entonner l’hymne du FNDC, puis l’hymne national. A leur sortie du tribunal, les détenus ont été incarcérés à la prison centrale de Conakry. Le procès avait brièvement commencé le 16 octobre pour des faits de « manœuvres et actes de nature à compromettre la sécurité publique et à occasionner des troubles à l’ordre public » avant d’être ajourné jusqu’au 18 octobre. Les avocats de la défense ont interjeté appel. Des procès similaires se sont tenus dans d’autres villes du pays. Un autre tribunal de Conakry a condamné à trois ans de prison, dont un ferme, Aly Badra Cheickna Koné et à un an de prison, dont six mois ferme, Elie Kamano. Bien entendu, aucun militant prônant le oui au changement de la constitution n’a jusqu’à ce jour fait l’objet d’une arrestation. Deux poids, deux mesures…

 

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CONTEXTE

 

Le président Alpha Condé, 81 ans, est au pouvoir depuis 2010. L’ancien opposant historique, qui a connu un long exil en France et la prison dans son pays, est le premier président démocratiquement élu en Guinée après des décennies de dictature militaire. Réélu en 2015, son deuxième et dernier mandat se termine en 2020 car la Constitution en vigueur limite à deux les mandats présidentiels consécutifs. Afin de pouvoir se présenter une troisième fois en octobre 2020, Alpha Condé n'a pas d’autre choix que de changer la Constitution, comme l’a fait Denis Sassou Nguesso au Congo. A partir de janvier 2019, le débat sur le besoin d’une nouvelle constitution a pris de l’ampleur dans le pays avec des messages en sa faveur lancés par des proches du président et des pseudo-mouvements populaires. En avril 2019, pour s'opposer à cette initiative, un front regroupant des partis, des syndicats et des membres de la société civile a été créé : le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC). En septembre, Alpha Condé a lancé officiellement des consultations sur la Constitution. Les membres du FNDC ont boycotté ces consultations, les considérant comme factices et n’étant menées que pour légitimer un futur référendum sur ce sujet. Lors d’une rencontre fin septembre 2019 avec des Guinéens à New York, le président Alpha Condé a appelé ses partisans à se « préparer pour le référendum et les élections ». Cette annonce – dont la vidéo a fuité sur Internet – a ravivé la tension dans le pays et l’opposition a relancé ses appels à la mobilisation, dénonçant un projet de coup d'Etat institutionnel et une dérive « dictatoriale ». Le 7 octobre, le FNDC a annoncé le lancement d’une campagne de mobilisation contre le projet de nouvelle constitution et de régulières manifestations dans le pays à partir du 14 octobre. Le 9 octobre, le ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, le général Bourema Condé, a indiqué que la déclaration du FNDC constituait « une menace ouverte à la paix et à la sécurité de notre nation ». Le même jour, le gouvernement a indiqué avoir achevé les consultations nationales sur une éventuelle nouvelle constitution.

La vague d’arrestation des leaders du FNDC à Conakry et dans d’autres villes, les 12  et 13 octobre, et la présence de nombreux policiers et gendarmes dans les rues de Conakry et des principales villes du pays (Conakry, Mamou, Guéckédou, Labé) le 14 octobre, n’ont pas empêché les Guinéens de descendre massivement dans les rues pendant trois jours pour dire non à une nouvelle constitution. Ces manifestations non autorisées par les autorités ont été durement réprimées ce qui a occasionné de nombreux affrontements entre manifestants et forces de sécurité. Aux pierres et autres projectiles lancés par les manifestants, les forces de l’ordre ont répondu par des gaz lacrymogènes, l’utilisation de camions à eau et des charges violentes. A plusieurs reprises et en différents lieux, des forces de l’ordre ont tiré avec leurs  armes à feu. Plusieurs manifestants arrêtés ont également fait l’objet de violences physiques, notamment des passages à tabac. Le bilan de ces violences est lourd : le FNDC fait état d'au moins 10 personnes tuées (dont un gendarme), plus de 70 blessés par des tirs à balles réelles, ainsi que 200 arrestations. Le gouvernement affirme que la mobilisation lancée par le FNDC était illégale faute de déclaration préalable. Depuis juillet 2018, les autorités interdisent systématiquement les manifestations de l’opposition lorsqu’elles reçoivent des notifications de leurs organisateurs, les considérants à chaque fois comme des menaces pour la sécurité publique.

Malgré la répression et les morts par balles, l’opposition a décidé de maintenir le mot d’ordre des manifestations et des villes-mortes, les considérants comme étant la seule manière de faire pression sur le pouvoir. Pour la communauté internationale « la crise politique est source de préoccupations. L’insuffisance de dialogue entre les différents acteurs politiques provoque une escalade de la tension avec des recours à la violence, susceptible de porter gravement atteinte aux acquis démocratiques. Nous appelons tous les acteurs à renouer le dialogue dans le cadre du comité de suivi » (Communiqué de la CEDEAO, Délégation de l’Union européenne, Etats-Unis, France, Belgique, Italie, Allemagne et Royaume-Uni). Les associations de défense des droits humains, tout en dénonçant les arrestations arbitraires et l’usage excessif de la force, craignent une escalade de la tension et une répercussion dramatique sur la situation des droits humains.

Le gouvernement guinéen est aujourd’hui face à un dilemme : respecter à minima les libertés d’expression des Guinéens ou s’engager dans une dérive encore plus autoritaire afin d’essayer de faire taire définitivement les voix dissidentes encore publiques. Le 24 octobre, les autorités ont autorisé les manifestations du FNDC et elles se sont déroulées sans violences. Malgré cette accalmie, la Guinée se trouve toujours dans une impasse politique. Les manifestations de l’opposition et les préoccupations internationales ne semblent pas avoir découragé Alpha Condé dans son projet de nouvelle constitution. A quand l’annonce de la tenue d’un référendum en vue de l’adoption d’une nouvelle constitution ? Le temps est compté car l’élection présidentielle est prévue pour octobre 2020. A suivre…

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